Quelque part entre Seven et Memories of Murder ?

La bande annonce du film cite Cinéma teaser "Quelque part entre Seven et Memories of Murder". Généralement ce genre de comparaison sont assez hasardeuses, ne se penche que sur le sujet et sont finalement inintéressante. Ici, effectivement, Une pluie sans fin a quelque chose de ses deux films. Je pense même pouvoir dire que ce sont des inspirations directes. Et on peut comprendre le film vià l'impact de ses deux œuvres sur le film.
Je précise que je ne fais pas le résumé du film. Je livre plus ce que je pense être certaines clefs d'analyse pour soit comprendre le film soit mieux l'appréhender pour un premier visionnage.


_Le rapport à Memories of Murder est plus visible dans son ambiance générale. Déjà, l'acteur de Yu ressemble vraiment sous certains angles à l'acteur du film de Bong Joon-Ho, en plus de devenir tellement obsédé par son enquête


qu'il devient capable de meurtre.


Une ville dont on ne montre que quelques lieux mais qui deviennent ainsi identifiables rapidement. Tellement qu'il peut vite sembler que les personnages tournent en rond.
La couleur grise qui fait que tous les décors sont peints dans une même tristesse. Le rythme, lent, qui repose sur des boucles. Pas pour les mêmes raisons mais en gros, dans les deux cas, l'histoire des personnages principaux avance bien en même temps que l'histoire tout court se répète. L'élément commun est dans le titre : la pluie. Dans Une pluie sans fin, cette pluie constante permet de créer une esthétique à certains décors qui contribue à cet effet de boucle. La boue par exemple qui revient toujours dans le même endroit. Et dans les deux films elle apparaît comme une force qui voudrait presque voir échouer ses personnages. Dans Memories of Murder c'est les nuits de pluie que se produisent les crimes, tandis que dans Une Pluie Sans Fin elle efface les traces, force les gens à s'abriter, s'isoler.


Elle tue le tueur, cachant son identité à tout jamais.


Pour ce qui est de Seven :


Le thème visuel de l'emprisonnement de la ville. Une ville qui est un personnage, sombre, qui ne donne pas spécialement envie d'y vivre d'ailleurs et qui agit comme prison pour les personnages. Seul Yu, le protagoniste, semble s'y sentir bien. Mais c'est dit par le chef de la police qui veut partir pour sa retraite ou la copine de Yu. Et comme dans Seven, bien qu'on soit enfermé dans cette ville, on s'enferme encore plus. Souvent des personnages s'enferment dans leur voiture par exemple, Yuil a une moto.
D'ailleurs les vitres sont un élément central de la mise en scène. Car le fait de toujours voir au travers d'une vitre peut sembler voyeur mais dans la façon de procéder, qu'on soit devant ou derrière importe peut car on est enfermé, séparé du monde ou d'un personnage (ex : quand un flic dit deux mots à Yu et que celui-ci à un briquet qui ne marche pas, il ne communique finalement pas).


Et c'est une belle mise en abîme du film car nous aussi nous regarde des personnages au travers d'un écran.


Le film ne tranche pas avec ce qui est vrai ou faux car c'est finalement les souvenir d'un mec qui a pété les plombs, on a pas de raison de croire grand chose. C'est malin et perturbant que le flash-back commence quand Yu vient voit Yu jeune passer devant lui à moto, c'est dans le même plan, comme pour dire que c'est dans le même espace temps, et on ne s'en rend compte qu'à la fin avec la partie de Yu plus vieux. La scène des camions est intéressante pour ça aussi. Qu'elle puisse faire rire, surprendre, faire lever les yeux au ciel, elle dit surtout que la réalité est bien plus délirante que le délire de Yu. Elle justifie presque le film, elle explique que ce n'est pas parce qu'on a vu un faux souvenir d'un homme dérangé que ça n'a pas une part de vérité, peu importe laquelle.


La dernière partie se fait pratiquement jamais au travers de vitre contrairement à avant. Les plans d'explosion de l'usine sont parmi les plus larges du film, et ceux où le cadre respire le plus.
Ce n'est que quand on retourne dans le bus, et qu'on regarde l'extérieur de derrière une vitre que la boucle se boucle enfin à jamais. Encore une fois, ce n'est pas parce que ce qu'on voit semble faux, ou est faux pour nous, que ça ne peut pas être réel. Comme le dit l’écriteau avant le générique de fin.


On a également souvent des plans assez larges au début qui se resserre beaucoup jusqu'à la deuxième partie. Mais ce n'est pas parce que le cadre est large que ce qu'il y a dedans ne peut pas nous enfermer. Il y a un décor où des gens dansent, ce qui est libérateur on va dire, mais on est dans un lieu clos. Près de la gare on ne voit pas la ville mais que les trains en plongée qui rappellent que la copine de Yu veut s'en aller de cette ville. Lors de la course poursuite les tuyaux et les wagons nous enferment toujours nos persos dans le cadre, et pour finir,


les plans larges de l'assassinat du suspect, on voit la fameuse usine derrière.


On ne respire jamais avant la dernière partie du film.


Je pense que avant ça le seul moment où le cadre respire vraiment c'est après le suicide de la copine de Yu, c'est là où on a le droit à un cadre vraiment très large sur presque que du vide (renforcer par le train au premier plan qui disparaît). D’ailleurs quand la copine de Yu se rend compte que ce dernier pète un peu un câble, elle se regarde dans le miroir. Elle regarde son reflet, elle regarde enfin la réalité.


Je voudrais aussi parler du travail sonore. Pour appuyer le fait qu'il y ait souvent deux "univers", le travail sur le son y est important. Il arrive souvent que le montage son soit brutal et appuie sur un raccord. C'est d'ailleurs pour ça que le son joue beaucoup sur l'espace. Lors d'un dialogue entre le chef de police et Yu, on a un champ/contre-champ dans un petit resto. Et lors de chaque changement de cadre, le son s'adapte de manière brutale. On entend le patron du restaurant découper quelque chose à gauche lors du champs, puis à droite lors du contre-champs. Ce qui n'est même pas spécialement logique mais cette séquence nous habitue à ce procédé. Appuyer ces coupes accentue soit l'emprisonnement, quand passe de l'extérieur à l’intérieur, la coupure est généralement violente. Surtout que le son de la pluie est quasi omniprésent. Tout comme jouer sur cet effet dans les dialogues montre que si les personnages se parlent, ils ne s'écoutent pas toujours pour autant.


Seulement ce film a des défauts. Je finis ma critique dessus car je pense qu'ils nuancent (malheureusement) mon avis sur le film
Je trouve que le film manque pas de personnalité au final. Je vois un réalisateur talentueux mais qui se cherche encore une démarche artistique. Notamment parce que je trouve que le film manque pas mal de cohérence avec lui même. Il y a trois films en 1. Et par exemple, la transition de la 1ère à la 2ème était très importante, et pourtant je la trouve incroyablement raté.


On parle de la mort du mec qui l'appel Maestro.


Elle très faible émotionnellement. Elle est poussive et tire sur le côté dramatique plus que nécessaire.


Et tout ça pour finir sur un fondu au noir dont on aurait pu se passer, mais pas autant que la phrase du docteur : "j'aurais pu le sauver si vous l'aviez amené plus tôt" qui est vraiment gratuite.


On a l'impression que le film veut pousser le style polar noir, sombre et dramatique. Un peu comme son personnage qui doit absolument toujours fumer, mais vraiment tout le temps. C'est aussi ce genre de défaut qui empêche vraiment le film d'avoir sa propre personnalité. Ainsi que quelques moments vraiment étranges comme certains rire où l'on entend qui sont clairement doublés. Et c'est encore pire quand lors d'une scène un personnage à un énorme fou rire qui sonne déjà faux au son et en plus qui dure très longtemps jusqu'à en devenir assez malaisant. Après j'ai souvent tendance à trouver que les scènes de fou rire sont rarement crédibles. Mais ici le malaise de voir cette dame exploser de rire pendant de très longues secondes ne rajoute rien.
Et pour finir je ne suis pas sûr encore de l'utilité de la dernière partie qui s'étire, enlève un peu trop de mystère,


ressemble à Memories Of Murder dans le fait qu'on ne sait pas qui est le tueur et qu'il avait l'air "normal",


ou peut-être qu'elle est juste mal amenée...


C'est un film que le réalisateur semble avoir réalisé pour prouver un savoir-faire dans le polar noir. Et il le réussit sur bien des aspects. Mais il faudrait justement parvenir à dépasser ses références car justement le film ne réinvente finalement pas grand chose. Mais les qualités sont là et ça me rend curieux sur le prochain film de ce réal en oubliant pas que ce n'est que son premier.

Aldup
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le 30 juil. 2018

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