Après un montage de trois ans (!), Une vie cachée est le retour de Terrence Malick à un cinéma plus traditionnel, narratif, mais qui n'en oublie pas ses expérimentations, et qui donne son meilleur film depuis Tree of life. L'histoire est celle de Franz Jägerstätter, un paysan autrichien, qui refuse de s'engager durant la guerre avec les Nazis. Au prix de sa vie, il va choisir sa liberté d'expression, de pensée, en tant qu'objecteur de conscience, et ne va pas vouloir se battre.
Je pense que le plus gros souci du film est que Terrence Malick étant désormais un intouchable, personne ne saura le remettre en question sur ses choix de tournage ou de montage. Car sinon, comment expliquer cette durée hallucinante de 2h53 pour expliquer ce cas de conscience d'un homme qui a dit non ? J'avoue qu'à un moment donné, je n'en pouvais plus de l'entendre se dire que non, il ne combattra pas, oui, il aime sa femme et ses filles, merci on a compris. Et il y a aussi le fait que Malick continuer de filmer l'essentiel d'Une vie cachée au grand angle et à la courte focale, explosant de fait les visages en gros plan à tel point qu'un plan avec un prêtre fait automatiquement penser aux Visiteurs ; mais pourquoi ce choix incessant de filmer ainsi ? Après, je pense que le choix de tourner la vie et le destin de Franz Jägerstätter, qui a été sanctifié par Benoit XVI en 2007 n'est pas innocent ; on devine de Malick est croyant, tout comme le personnage le fut, et ses pensées, ses réflexions sont peut-être aussi les siennes.
J'ai beau m'énerver un peu sur le film, c'est parce quand je suis séduit, il y a des moments magnifiques. En premier lieu, la relation fusionnelle qu'a Franz Jägerstätter avec sa femme, excellente Valerie Pachner, et ses trois filles, toutes blondes, ou même en ces temps troublés, cela ne sera jamais remis en cause. J'en veux pour preuve ces moments très émouvants des lectures des correspondances, qui sont les véritables lettres lues en voix off par les deux acteurs, où il se dégage une grande sérénité, même quand l'heure de la fin approche. C'est également une très bonne idée de faire parler les personnages en anglais, alors qu'ils sont autrichiens pour la plupart, et les Nazis (pas les allemands, la nuance est importante) en allemand, mais dont leurs dialogues ne sont pas sous-titrés.
Mais ce qui frappe avant tout, c'est la beauté visuelle du film qui est incroyable : les scènes tournées en Autriche sont à couper le souffle, avec ces montagnes à perte de vue, les couleurs vives de la campagne, et la beauté des personnages. Ça plus l'excellente musique de James Newton Howard, il y a quelque chose de l'ordre du sensoriel qui s'en dégage.
Au final, je pense qu'avec une heure de moins, et un montage un peu moins surdécoupé, Une vie cachée pouvait prétendre aux sommets malickiens où se trouvent déjà ses trois premiers films ainsi que Tree of life. Mais en l'état, c'est quand même déjà très bien.