Pas le grand huit attendu et beaucoup de défauts mais ça reste tout de même plaisant et inédit.

Jordan Peele était attendu au tournant après un « Get Out » sorti de nulle part, quasi unanimement acclamé et adoubé par l’Oscar du meilleur scénario original. Peut-être un peu trop surestimé, ce thriller horrifique n’en demeurait pas moins une proposition originale et pertinente dans un genre souvent mis de côté. Le passage au second film est toujours délicat. Le sujet et la bande-annonce de « Us » avait mis les curseurs de l’attente et de l’excitation très haut. A l’arrivée, si on n’est pas face à un pétard mouillé, le chef-d’œuvre de l’horreur attendu n’est pas au rendez-vous non plus. Il y a même une pointe de déception qui se fait sentir. Car dans « Us », le très bon alterne sans cesse avec le très mauvais et le long-métrage souffre d’imperfections flagrantes en dépit d’un sujet intrigant (l’idée de base sans être nouvelle est géniale) et d’une forme irréprochable et certes séduisante (il n’y a qu’à voir le soin apporté à la confection des plans et le décorum de la séquence finale, magnifique).

Comme dans son précédent film, le prologue que nous offre Peel est saisissant et donne le la, proche de celui d’un épisode de « X-Files » ou « La Quatrième Dimension » (logique pour ceux qui savent). Une ambiance étrange se distille déjà et se prolonge tout le long du film, mais plus les minutes passent et plus le constat s’avère flagrant : il y a une pénurie de frissons dans « Us ». Ce n’est pas un film d’horreur qui fait peu. Il dérange à la limite, met un peu mal à l’aise, mais on ne sursaute jamais. Et quelle idée de déverser une dose d’humour (pas drôle du tout) par l’intermédiaire du père. Un humour qui décrédibilise la moindre action et désamorce trop souvent la tension. Autant l’humour noir avait sa place dans « Get Out », autant ici il apparaît dommageable. Quand les nœuds du mystère se dénouent, on a le droit d’un côté à un twist final réussi mais très peu étonnant mais aussi à de lourdes scènes explicatives sur le pourquoi du comment concernant l’existence des doubles. Et là Peele se tire une balle dans le pied : en effet, ses justifications sont trop vagues et sans queue ni tête et elles mettent à jour les carences d’un script bancal et d’un scénario plein de trous et de zones d’ombres. Il aurait dû ne rien expliquer et garder une part d’énigme et de brouillard (le propre du fantastique) pour un double effet positif : celui de faire réfléchir son public et de beaucoup plus l’angoisser en gardant une part d’étrangeté.

Quant à la portée sociale bien présente ici, elle est beaucoup moins claire que dans son précédent film et elle est laissée à l’appréciation de chacun, tout en planant sans conteste sur le film. Chacun voudra y voir ce qu’il veut et, à ce niveau, c’est plutôt bien vu. L’Amérique et le rêve américain sont en ligne de mire bien sûr, avec les doubles qui s’apparentent aux laissés pour compte ou encore l’arrivée de Trump et de sa volonté de mur (l’action se déroule à la frontière mexicaine et le mur de doubles est révélateur). D’autres y voient une satire du consumérisme ou l’expression de la dualité présente en chacun de nous. Les niveaux de lectures sont nombreux et la matière riche. Cependant tout cela est très vite mis de côté, hormis au début et sur la fin, pour laisser la majeure partie centrale se dérouler en forme de slasher et d’home invasion, réussie et carrée mais moins originale. « Us » est donc un film ludique (plein d’indices partout), original et généreux mais clairement imparfait. Jordan Peele, en tant que nouveau petit génie, a trop voulu faire son malin et a rendu une copie légèrement bâclée en dépit de l’ambition louable d’offrir quelque chose d’inédit.

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