Ce silence qui me plonge dans une douce torpeur

Première incursion dans le cinéma de Bulge Ceylan pour ma part, on suit Mahmut, photographe ayant renoncer à son art pour photographier des carreaux. Un jour son cousin Ysuf arrive car ayant perdu son emploi dans son village natale cherche alors à se faire recruter en temps que marin à Istanbul.


Première incursion et première belle surprise. Tout m'a charmé, les longs silences, ces cadres enfermant les personnages, ces paysages d'Istanbul, la lenteur de chaque scène qui confère une ambiance planante tout du long.
Très inspiré par Tarkovski, la beauté va se créer par le temps, le temps des silences qui vont conduire aux regards, vecteur émotionnel. Car si les personnages ne parlent peu on entre pourtant totalement en empathie avec eux. Car contrairement à ce que je redoutais, on ne s'ennui pas du film mais on s'ennui avec les personnages.
Quasiment apathiques les deux personnages ne vont ne rien faire durant tout le film. Ca ne fait pas rêver dit comme ça et pourtant quelque chose se dégage de cette inaction. L'un ne trouve pas de travail, l'autre à abandonner sa vie d'artiste. L'un va perdre tout contacte avec la femme qu'il aime alors que l'autre cherche à rentrer en contact avec une. Il y a alors une contemplation morose du vide de leurs vies. Contrairement à Antonioni, les personnages ne se laissent pas porter par ce qui se passe. Ils restent statiques, essaient mollement de sortir de leurs torpeurs, de faire des choses. Mais sans jamais y parvenir.


Du moins le personnage de Yasuf aimerait sortir de cette torpeur, sans énergie et sans grande volonté certes mais il aimerait. Alors que Mahmut lui ne fait rien, il est presque le spectateur de sa propre vie. Comme en témoigne cette magnifique scène de rêve où il est paralysé dans son fauteuil, et où tombe lentement une lampe qu'il ne peut rattraper. S'en dégage une beauté étrange de cette scène, une beauté de l'ennui, du vide.
Mais cette intrusion du cousin dans la vie monotone de Mahmut amène aussi quelques rares moment drôle, comme la scène avec le porno (que je ne raconte pas mais qui m'a vraiment beaucoup fait rire).


Bref c'est difficile de décrire pleinement ce qui m'a plut dans le film. C'est très sensoriel, comme un Antonioni. On plane avec les personnages, les silences additionnés avec ces cadres somptueux d'Istanbul sous la neige donne une aura métaphysique sur la solitude et l'inaction des personnages.
Une expérience très douce, très belle et par instant touchante sur ces quelques séquences qui feront échos aussi à nos inactions, à nos regrets. Nous laissant comme eux, seul, vide.

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le 26 avr. 2021

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