En employant un procédé usé jusqu’à la corde, V/H/S en intègre les limites et les transforme en atouts afin de nous proposer un omnibus énervé n'ayant pas à rougir de la comparaison avec la plupart des bobines horrifiques ‘mainstream’.

Le film d’anthologie est une entreprise foncièrement casse-gueule. Même si certaines oeuvres comme Creepshow, Trick 'R Treat ou encore le génial Memories de Morimoto, Okamura et Ôtomo ont prouvé qu’il était possible de livrer des florilèges de grande qualité dans ce contexte, beaucoup d’autres s’y sont violemment cassé les dents. Alors si en plus de cette contrainte les producteurs du projet choisissent de l’inscrire dans le cadre ultra-balisé et franchement gonflant du ‘Found footage’ initié en 80 par le Cannibal Holocaust de Deodato et relancé à la fin des années 90 par The Blair Witch Project, on est légitimement en droit de douter de la qualité du produit fini. Envisagé à l’origine comme un bon moyen de produire des films fantastiques à petits budgets en capitalisant sur le côté documentaire et donc ‘réaliste’ des images générées par les caméras grand public, le genre est devenu depuis l'équivalent toutes proportions gardées pour les années 2000 de ce qu'était le slasher dans les années 80, à savoir une machine à générer des franchises à succès sans trop se prendre la tête niveau scénario. En attestent les différentes itérations de Paranormal Activity, Grave Encounters et autres [REC].

Pourtant à la différence de The ABCs of Death qui pêche malheureusement par un manque de cohésion patent et une absence de ligne directrice, V/H/S, fruit de la réflexion de Brad Miska (le fondateur du site Bloody Disgusting.com), sait éviter ce piège en proposant une toile de fond autour de laquelle s’articulent les différents segments malins qui composent cet omnibus. On se retrouve donc devant une compilation d’histoires horrifiques astucieuses, majoritairement bien foutues et raisonnablement flippantes, exploitant pleinement les contraintes du genre pour proposer une relecture globale d’un gimmick a priori usé jusqu'à la corde.

Les différents films composant ce V/H/S sont réalisés par David Bruckner, Glenn McQuaid, Joe Swanberg, Ti West, Adam Wingard et un collectif de metteurs en scène du nom de Radio Silence. Ils nous proposent ici des variations autour de la même idée de base: comment l’horreur s'immisce de manière brutale et inattendue dans la vie de personnes tout à fait normales (même si on est légitimement en droit de se poser des questions concernant la santé mentale de certains protagonistes...). Chacun de ces segments illustre des idées de réalisation différentes s’appuyant sur l’utilisation de différents types de caméras grand public. Le cadre narratif, relativement classique, va du Slasher teinté de surnaturel à l’histoire de fantômes traditionnelle en passant par une variation sur les méfaits d’un tueur en série. Agréable surprise, le traitement appliqué à ces vignettes horrifiques et le côté expérimental qui en découle leur insuffle une énergie bordélique punk et une fraîcheur bienvenue.

Tape 56 d’Adam Wingard (paradoxalement le segment le plus faible thématiquement et stylistiquement) sert de contenant et de fil rouge à l’ensemble en nous racontant l’histoire d’une bande de malandrins manifestement trépanés à la naissance, qui investissent une maison glauquissime afin d’y récupérer une cassette VHS de grande valeur (on suppose que c’est un snuff très recherché par l'élite mondiale des pervers associés ou un truc dans le genre...). Une mission qui leur a été confiée par un commanditaire visiblement mal intentionné. Une fois leur sombre besogne effectuée et la maison dûment pénétrée, ils y trouvent un cadavre assis devant une télévision et une pile de cassettes. Visionnée une par une, ces VHS constituent les différents courts de notre anthologie. Inutile de détailler précisément le contenu de ces différents segments car leur durée est tellement courte qu’il serait inévitable de les spoiler comme un gros cochon (et Gilles n'est pas un gros cochon, nous l'attestons sur l'honneur - NDLR).

Contentons-nous de préciser que malgré une absence totale de communication entre les différents réalisateurs lors de la conception du projet, une grande majorité de leurs oeuvres traite de la position de la femme dans le cinéma d’horreur et symbolise un certain basculement à plus grande échelle des rapports de force dans le genre. L’autre point fort de ces petits films est de véritablement jouer avec le concept même de found footage en évitant les écueils du genre grâce à un récit sans le moindre temps mort. Ici le procédé sert l’histoire et vient véritablement soutenir l’illusion de réalité sans être agaçant ou distrayant, pour nous livrer au final un grand Rollercoaster ludique en forme de train fantôme. Évidement, comme dans tous les projets de ce type, certains segments sont fatalement à la ramasse et ne mériteraient même pas d'apparaître dans Paranormal Activity 8 mais l’objet dans son ensemble est plus que respectable même si il ne révolutionne aucunement le cinéma d’horreur, ni dans la forme ni dans le fond.
GillesDaCosta
7
Écrit par

Créée

le 19 nov. 2012

Critique lue 335 fois

2 j'aime

Gilles Da Costa

Écrit par

Critique lue 335 fois

2

D'autres avis sur V/H/S

V/H/S
SlashersHouse
8

Video Home System.

J’aurais l’impression d’être un disque rayé si je vous servais une énième fois mon blabla à propos du DV-movie, vous racontant que le genre tourne souvent en rond, que l’on a de temps en temps des...

le 2 sept. 2012

24 j'aime

5

V/H/S
BrunePlatine
8

Scary movie

Ahhh, ENFIN ! un found footage qui sort un peu des sentiers battus, qui s'essaie à d'autres tonalités, qui renouvelle les thématiques, qui s'inspire tous azimuts : le résultat est fort probant. Le...

le 11 mai 2016

21 j'aime

V/H/S
Gand-Alf
4

Disgusting tapes.

Bien qu'ayant grandis avec elle et avoir découvert le cinéma grâce à ses bandes magnétiques, je n'ai jamais pu blairer la VHS, constamment frustré que j'étais devant la piètre qualité du support...

le 16 sept. 2013

13 j'aime

4

Du même critique

Millennium Actress
GillesDaCosta
9

Critique de Millennium Actress par Gilles Da Costa

Sillonnant encore la frontière ténue séparant le rêve de la réalité, Satoshi Kon repousse avec Millenium Actress les limites de l’animation en présentant une histoire kaléidoscopique en forme de...

le 28 févr. 2013

18 j'aime

Goal of the Dead
GillesDaCosta
7

Critique de Goal of the Dead par Gilles Da Costa

Dans un paysage cinématographique français où le fantastique est aussi bien représenté que la communauté tchétchène au sein de la Douma, Goal of The Dead fait figure de résistant face à l'oppresseur...

le 13 mars 2014

17 j'aime

L'Au-delà
GillesDaCosta
9

Critique de L'Au-delà par Gilles Da Costa

Aboutissement artistique et thématique de vingt-deux ans de carrière, L’au-delà est un admirable concentré maîtrisé de toutes les préoccupations du maestro. Mélant répulsion et fascination, cette...

le 19 janv. 2013

17 j'aime

6