Comme il est de bon ton chez certains de faire preuve de mauvaise foi lorsqu'il s'agit de Luc Besson, je pense qu'il est d'un meilleur ton de faire preuve d'un peu d'esprit critique et de monter à la tribune lorsqu'il s'agit de défendre son dernier film qui ne manque pas de se faire torpiller de toutes parts, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons.


Le fait est que Valérian et la Cité des Mille Planètes est un film qui a été réalisé avec les meilleures intentions du monde et que Besson a pris beaucoup de plaisir à travailler dessus. C'est un fan de la bande dessinée de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières et ça se voit, ça se sent jusque dans l'ADN du film.


Inspiré et non pas vraiment adapté du sixième tome des aventures de Valérian et Laureline, L'Ambassadeur des Ombres, Valérian et la Cité des Mille Planètes met en scène deux agents spatio-temporels de la Fédération Humaine en mission sur la station Alpha, une gigantesque cité spatiale regroupant toutes les civilisations de l'Univers connu, menacée par un danger inconnu. Le film reprend la trame narrative et beaucoup d'éléments de la BD (certaines cases sont reproduites à l'identique, tout comme certains cadrages), que ce soit venant de L'Ambassadeur des Ombres ou d'autres tomes de la série (notamment une belle références au tome 0, Les Mauvais Rêves). Néanmoins, Besson a eu l'intelligence de se réapproprier le matériau originel, de faire son Valérian, et de ne pas utiliser la BD comme un bête storyboard (ce qui aurait pu être le cas avec des réalisateurs moins impliqués sur le projet). Non, il a revisité Valérian avec son style et il en a réactualisé le propos : L'Ambassadeur des Ombres avait un propos anticolonialiste explicite, Christin et Mézières y prônaient l'autodétermination des peuples, dans Valérian et la Cité des Mille Planètes, le discours anticolonialiste a disparu au profit d'une ode à la diversité, au pardon, à l'amour mais surtout à la paix. Ce n'est pas pour rien si le film s'ouvre sur des images de la mission Apollo-Soyouz, où une poignée de main en orbite entre cosmonautes soviétiques et astronautes américains a marqué en 1975 (année de publication de L'Ambassadeur des Ombres, coïncidence ?) un premier exemple de coopération spatiale internationale et un premier rapprochement pacifique entre l'URSS et les États-Unis. L'enquête de Valérian et Laureline se base sur cette idée d'entraide et de complémentarité des personnages et de leurs capacités (un bon exemple : les espions Shingouzs -qui portent un nom différent dans le film- se partagent les informations en trois, si l'un d'entre eux meurt l'information est perdue). Pour faire bref, le film de Besson est parfaitement dans l'esprit de la BD Valérian, il a su en capter l'essence et l'exprimer sous une forme différente. D'ailleurs, on peut noter que donner une origine Terrienne à Alpha était une belle idée puisqu'elle évitait tout de suite une terrible contradiction avec L'Ambassadeur des Ombres (les lecteurs de la BD sauront de quelle idée je parle).


Maintenant, concernant la forme.
Eh bien le moins qu'on puisse dire c'est que Luc Besson a respecté l'univers riche et coloré de la BD de Christin et Mézières tout en y laissant sa patte. Valérian et la Cité des Mille Planètes est dans la continuité du Cinquième Élément dans la forme (les costumes, décors et certains personnages exubérants -le guide de Big Market-) et parfois dans le ton (Paradise Alley, la scène du sous-marin et même les Pearls qui me rappellent un peu Leeloo), ce qui n'est pas pour me déplaire (d'ailleurs notons que Jean-Claude Mézières, le dessinateur de Valérian, avait travaillé sur Le Cinquième Élément, le monde est petit) ! Et qui dit "Cinquième Élément", dit aussi "forte identité visuelle", ce qui est quand même pas mal à une époque où les space-operas grand public ont tendance à avoir des similitudes. Cette forte identité visuelle est notamment due à la BD, au style unique, mais aussi aux idées de Besson et à son expérience sur Le Cinquième Élément.
La richesse visuelle et la bonne direction artistique du film sont desservies par un grand soin apporté aux costumes, aux décors et aux effets spéciaux. Parce que Valérian se démarque par des effets spéciaux particulièrement convaincants qui ne donnent pas l'impression de voir une mélasse numérique comme ça peut parfois être le cas dans d'autres films. Les aliens nés sous le crayon de Jean-Claude Mézières prennent vie dans le film est ça claque.
Et pour couronner le tout, les acteurs se débrouillent bien dans leur rôles. On a un Valérian convaincant et un peu plus fripon que dans la BD ("Phallocrate !", comme dirait l'historienne de Sur les Terres Truquées) et une Laureline bien en raccord avec le personnage de Christin et Mézières, avec son caractère bien trempé (c'était une de mes craintes qu'ils ratent Laureline et qu'il la laissent au second plan -alors que c'est elle le personnage principal de L'Ambassadeur des Ombres-, mais c'est réussi). On peut noter que leur relation est plutôt bien installée : dans la BD, Valérian et Laureline ont eu le temps de construire une relation crédible en six tomes et même de surmonter des crises (Bienvenue sur Alflolol), or il faut résumer ou du moins compacter tout ça dans un film de 2 heures, ce qui n'est pas évident mais qui est plutôt bien amené par Besson. Les autres acteurs ont fait un bon boulot eux aussi. Même Rihanna, qui m'avait pourtant laissé sceptique dans les bandes-annonce.
La mise en scène n'est pas en reste puisqu'elle est particulièrement créative, notamment pour les séquences à Big Market (cette idée d'interaction entre deux dimensions est une super idée). Et le montage rend honneur au tout puisqu'il nous laisse le temps de profiter des visuels qui claquent du film.


Pour résumer, Valérian et la Cité des Mille Planètes est une bonne surprise et un space-opera dépaysant, créatif et divertissant qui réinterprète d'une belle manière L'Ambassadeur des Ombres et qui a su préserver l'esprit des aventures de Valérian et Laureline. Bien sûr le film n'est pas dénué de défauts, il y en a pas mal. Mais le tout est suffisamment envoûtant pour les oublier. Et puis c'est drôle aussi, ce n'est pas Le Cinquième Elément mais les touches d'humour font mouche et ne sont pas trop appuyées comme ça peut être le cas dans d'autres films (Les Gardiens de la Galaxie).


Si le transmuteur était grognon dans L'Ambassadeur des Ombres, il ne l'est pas dans Valérian et la Cité des Mille Planètes. Alors comme le transmuteur, ne boudons pas notre plaisir et faisons honneur au film et saluons le travail de Luc Besson.

Baheuldey
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le 30 juil. 2017

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