De Besson on a espéré beaucoup de choses, on a été déçu, et puis on en est tellement revenu qu’on a fini par se contenter d’attendre de voir comment se comportera son prochain film et quelle sera la réaction du public.
Plus que le résultat en lui même c’est le phénomène qui l’entoure qui fascine.
C’est à dire que l’ami Luc n’y va pas de main froide, il a la démesure facile.
Valérian est annoncé depuis le départ comme titanesque et comme l’ultime projet, celui dans lequel le vieux lion va se jeter avec l’énergie du désespoir, comme un chant du cygne après lequel ce sera le tout ou rien.
Comment ne pas être curieux devant un tel teasing?
Comment se retenir d’aller voir s’il faut s’extasier ou tirer sur l’ambulance?


Paradoxalement Valérian va devoir un bon nombre de ses entrées à la curiosité presque morbide d’un public qui pense qu’il vient voir le dernier plantage en règle sur lequel il faudra se faire un avis.


Curieusement c’est justement pour cette raison que Valérian m’a semblé moins pire que prévu. Quand tout le monde se plait à critiquer, j’aime chercher du positif et essayer de m’en contenter. Mon absence d’esprit critique m’est alors d’un grand secours.


Le principal atout (certains diront le seul) de Valérian est visuel: l’oeil est constamment sollicité par un univers travaillé à l'extrême.
De bout en bout on sent que le paquet a été mis sur l’immersion, sur la création d’un univers multiple et en même temps cohérent. Le film invite au voyage, même si on a du mal à le qualifier de totalement dépaysant.
C’est comme-si chaque pan de l’univers de Valérian existait déjà dans notre esprit: emprunts volontaires ou non à d’autres films, références multiples, auto-citations, ou fidélité à la BD qui elle-même a servi d’inspiration à ce qu’on connait déjà, on ne saurait dire d’où vient l’air familier, mais on connait déjà la maison.
On aimerait être totalement emporté dans un monde inédit et on se retrouve avec un patchwork de choses qu’on connait déjà, c’est un peu comme visiter la France miniature quand on a déjà vu déjà presque tous les monuments originaux.
N’empêche que les avoir tous sous la main, même en réplique, ça fait son petit effet.
Idem pour Valérian qui arrive à charmer tout en ratissant large dans la palette science fiction.


D’ailleurs le début du film est très bien géré.
Il faut dire aussi que commencer avec David Bowie et space Oddity c’est facile mais diablement efficace. Choisir de débuter par des images rappelant la vraie conquête de l’espace pour enchaîner sur une chronologie accélérée des échanges spatiaux, c’est également une idée toute simple mais agréable. Comme quoi des fois la simplicité ça a du bon. (coucou Luc si tu passes par là!).
Malheureusement le reste n’est pas aussi limpide ni fluide: déjà l’incursion chez les cousins germains des Naavis d’avatar est trop long et vide pour charmer comme il le devrait. On aurait pu comprendre les enjeux en écourtant ce passage, les enjeux n’auraient pas bougé.


Faiblesse qui parcourra l’ensemble du film: à trop vouloir garder ses belles images, Besson a oublié que certaines coupes auraient pu augmenter l’efficacité du récit, que certaines facilités auraient pu ainsi être noyées dans le tout et pardonnées plus aisément.
Mais visiblement il préfère prendre son temps, s’amuser avec ses décors, faire un flash back sur une attaque qu’on a déjà vue mais parce qu’il avait préparé des passages en “ vue de l’espace” il voulait s’en servir, jouer un faux-suspens sur le méchant alors qu’il nous l’a déjà présenté comme tel, multiplier les redites inutiles parce qu’il n’aime pas jeter.
Le but est sans doute de ne pas perdre les plus jeunes spectateurs, et finalement on peut penser que si le film devait devenir un classique un jour, ce sera par leur biais, parce qu’ils se souviendront d’avoir rêvé et voyagé dans des décors fabuleux.


En attendant de savoir si Valérian sera encore vu dans quelques décennies, il manque d’efficacité dans l’immédiat: presque tout le long métrage est fait de passages qui trainent inutilement: la scène dans le marché virtuel aurait pu être très bonne si la course-poursuite avait été mieux gérée, là on a du mal à se sentir impliqués alors qu’on est au début du film et qu’on sait très bien que le héros va s’en sortir. L’opération se solde par quelques décès chez les gentils sans que personne ne semble s’en émouvoir: on était au courant qu’ils n’étaient là que pour la parade mais quand même, ça n’aide pas à considérer nos héros comme de vrais humains, ni à s’attacher à ceux qui les entourent. C’est comme un aveu dès le début du film pour nous dire qu’on ne pourra s’attacher à personne d’autre qu’aux rôles-titre puisque le reste n’est là que pour l’ambiance.


D’ailleurs pendant qu’on y est, beaucoup fustigent le casting. Là aussi Besson a voulu se payer des noms clinquants en guest stars, et si on vient pour ça on est effectivement déçu par des prestations anecdotiques.
Pourtant, concernant les deux héros, il faut reconnaître que la surprise est assez bonne: ils sont mignons et on a envie de les connaître, de les suivre, de les voir évoluer. Ils sont attachants tous les deux, même si on regrettera très vite que personne n’ait pensé à leur donner un peu plus d’épaisseur et que leurs échanges se résument à un flirt hyper insistant de Valérian.
La subtilité a foutu le camp.
Bref on voudrait bien les aimer parce qu’on sent que les acteurs pourraient nous plaire, qu’il y a moyen de rendre appréciable un duo formé d’un sérial dragueur et d’une femme forte, mais on ne leur permet pas d’exister au delà de l’image.


Le film déçoit parce qu’il démarre fort, qu’on voit qu’il aurait les moyens de nous plaire, mais qu’il reste étonnamment vide et mal fagoté.
Le scénario n’est pas sensationnel, mais pire que tout, les dialogues sont catastrophiques: dignes d’une rédaction d’un gamin de primaire qui voudrait absolument reproduire le climat de “Rémi sans famille”.
A trop vouloir sortir de grandes phrases pour émouvoir ça en devient risible et on perd totalement de vue la possibilité de se rapprocher des personnages.


On ressort de là un peu sonné d’avoir dû regarder pendant plus de deux heures un objet bancal, pas totalement écoeuré mais surtout très triste de se dire que tout était là pour que ce soit beaucoup mieux, et qu’on aurait aimé pouvoir le regarder enfant, sans se soucier de tout ce qui titille notre esprit critique. Oui on aimerait tellement être émerveillé par cet univers qui avait les capacités de nous épater.
Forcément on ne peut qu’être déçu de constater que ce n’est pas le cas, et sanctionner le film parce qu’il ne répond pas à ses ambitions et à nos attentes: il n’est pas totalement nul mais il est à des années lumières de ce qu’il aurait pu être, et c’est ça qui déçoit.

iori
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le 29 août 2017

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