Valérian et le patchwork des Mille scénars embryonnaires aka leçon de masturbation par maître Besson

L'un des avantages d'arriver après la bataille pour écrire un truc sur l'un des aimants à fiel les plus efficaces de sa décennie, c'est que tout a été plus ou moins dit. Pas besoin de repasser par la case départ, pas de souci d'objectivité, juste un avis critique parmi d'autres.


Un autre avantage, plus personnel celui-ci, pour aborder Valérian tient au fait que je n'aime pas Besson. Vraiment pas. Même le 5eme Element, qui semble mettre d'accord pas mal de monde (d'une certaine génération, un peu plus jeune que la mienne) m'avait déjà gavé jusqu'à l'écoeurement. Seul Nikita trouve grâce à mes yeux, encore aujourd'hui.


C'est donc animé d'une simple curiosité, et d'un étrange espoir que j'ai lancé Valérian.
Et outre un personnage de Valérian loupé, tant en terme d'écriture que de casting, je n'ai pas eu affaire à la purge annoncée.
Au contraire, même. Là où je m'attendais à trouver la marque pataude d'un producteur véreux se prenant pour un artiste, j'ai été surpris de voir un film qui fourmille littéralement de créativité.
Jusqu'à en devenir rapidement un problème, l'impression de zapper une gigantesque télé captant les chaînes extraterrestres devenant rapidement épuisant, voire écoeurant.
Mention spéciale à la gratuité de la scène où Valérian met sa combinaison pour défoncer des murs, juste pour le plaisir de traverser des univers, qui résume bien le film, au final.
Car si agréable qu'il soit (une heure durant tout au moins, on y reviendra plus bas), Valérian est un gigantissime exercice masturbatoire.


Oui, Besson se pignole sévère, et ne lâche jamais son divin gourdin des mains, trop occupé à contempler son propre génie.
Alors oui, on sait. On sait qu'il est fan de Valérian et Laureline (ce qui ne l'a pas empêché de zapper Laureline du titre et de louper le personnage de Valérian, mais bon...). On sait qu'il puisait dans l'imaginaire de cette fantastique série de BD déjà à l'époque du 5eme Elément, qu'il a dû revoir à la baisse l'audace de ce dernier, les possibilités en terme d'effets spéciaux ne lui permettant pas de pousser assez loin les choses.


Mais restons sur le film et son déroulé, pour mieux comprendre les problèmes de Valérian, qui sont aussi ceux de son réalisateur.


Besson commence par réécrire l'histoire, nous claquer un manifeste d'autojustification, voire de révisionnisme de l'histoire du cinéma. Et il le fait avec la finesse qu'on lui connait, à la façon du gros bourdon de la pub du sucre, vous savez "La tarte à la crème, j'étais là!".
Et ben le Besson, il nous fait la même! "Pour Avatar, j'étais là!", "pour Abyss, j'étais là!, pour les Wachovskis, j'étais là, Star Wars prélogie, j'étais là!"...etc (sans compter ses autocitations qu'il serait vain de lister tant elles sont nombreuses et flagrantes).
Il se réapproprie tout l'imaginaire fantastico SF de ces dernières décennies, se paluche sur des autoclin d'oeils fin comme un cassoulet au nutella, et semble tenter de se convaincre que sans lui, rien de tout ça n'aurait vu le jour, qu'il y avait pensé avant tout le monde alors c'est lui, le chef, en vrai, na!


D'où un besoin frénétique de nous jeter à la face la moindre idée, comme s'il claquait des trademarks a posteriori, dans tous les sens. "Ca c'est à moi, ça aussi, ça j'y ai pensé avant tout le monde, j'ai un dessin fait au CM1 qui le prouve, ça c'était mon idée! Et je vais glisser ça au cas où quelqu'un le refasse après, parce que j'y ai pensé le premier, et ça aussi, tiens...etc"


Le revers de la médaille, c'est qu'il confond rythme et frénésie, écriture et fuite en avant, et nous crache tout pêle-mêle sans distinguo, nivelant finalement les choses par le bas, le fil directeur étant trop mince pour passionner. Rien n'a le temps de prendre, et le bon se mêle à l'anecdotique dans une bouillasse informe dont rien n'émerge vraiment.


On pourrait comparer Valérian à Jupiter's Ascending des Wachowskis, dans un sens (des idées visuelles géniales dans les deux cas, un gigantisme en surenchère, problème d'ego de la part des créateurs, références et autoréférences à tout va...Etc), mais sans la distance critique que celui-ci réussit à offrir, la démesure de Jupiter's Ascending ayant une fonction.


Bref, continuons le déroulé.
Après une intro dans laquelle il se fait plaisir avec ses races extraterrestres variées, un vertige de gigantisme dans la création de la Cité du titre, une apocalypse dansant entre Avatar, les Minimoys et du Roland Emmerich, une mission axée sur une idée excellente d'extension du concept de réalité virtuelle (gachée par moments par les stigmates du Bessonisme cachés dans les replis), et un "hommage"/repompe de Star Wars -jusqu'au design sonore- ("...j'étais là!"), il décide de prendre son temps... et tomber dans la foulée dans ses travers habituels.


Après un défonçage de murs pour le plaisir de nous jeter au visage encore plus d'idées qui ne seront jamais développées, et un enlèvement qui casse toute la crédibilité badass de Laureline, transformée artificiellement en Damoiselle en Détresse, on sombre dans l'indigeste : une scène de cabaret aussi belle qu'inutile, une niaiserie sucrée comme seul lui sait les faire, quelques pointes d'absurde baroque plombés par une scène de sauvetage aussi factice que risible, de l'action étonnamment molle, mal gérée, mal chorégraphiée, une tentative tire-larme (avec un clin d'oeil à Star Wars et au 5eme Elément dans la foulée, parce que "j'étais là!"), le spectateur (moi, en l'occurrence), en a marre, est gavé. Le film est retombé à plat à cause de cette longue parenthèse que rien ne justifie et qui se contente de casser le rythme du film.
En plus, la bande-son trahit une fois de plus l'incapacité à Besson de s'extraire de son temps (déjà un très gros défaut du 5eme Elément).
Bref, l'envie de voir la suite est retombée comme un soufflé mal cuit (les connoysseurs penseront à l'excellente page de Gaston Lagaffe pour le soufflé). La mauvaise gestion de la scène coupe la dynamique frénétique du film, dont les ficelles que l'on avait choisi de ne pas regarder de trop près sautent à la face.
Trop plein, et coma post digestif.


Besson a beau nous en remettre plein la vue avec une scène de bataille spatiale dynamique (et oui, elle sent toujours autant le Star Wars, mais bon, on ne va pas s'en plaindre, quitte à plagier, autant le faire auprès des meilleurs, non ?), il nous prouve une fois de plus, si besoin était, son manque de finesse dans l'écriture et nous met face à ses propres limites en balançant dans la foulée un magistral coup de pied dans les burnes à l'un des axiomes essentiels au cinéma, le "show, don't tell", préférant se vautrer dans une lourde scène d'explication rappelant les tenants et les aboutissants, plus du coté de Scoobidoo que d'Hercule Poirot ou de Sherlock Holmes, scène nous rappelant tristement à la fois l'échec narratif du film et le mépris de Besson à l'égard de son public - car Besson, l'homme au Boulard, l'homme au Melon, l'homme à l'Ego Hydrocéphale, considère le public, la plèbe, comme ignare, stupide, ne l'oublions pas -.


Et quand on a besoin d'un scène d'explication pour rappeler les enjeux et démasquer le méchant, c'est quand même souvent signe d'un échec narratif cuisant.
Bref, Besson refait du Besson, pour résumer.


Pourtant, on a droit à de vrais belles scènes et de belles idées. La destruction de la planète façon "Avatar on the beach", le marché virtuel, malgré ses problèmes de rythme, le court passage avec Alain Chabat qui réussit à donner le vertige des profondeurs et nous présenter un personnage avec qui on aurait aimer passer du temps (contrairement à l'insupportable, stupide et arrogant Valérian), entre plein d'autres plus ponctuels qui se trouvent avalés par le film.


Valérian est au cinéma ce que le QTE est au jeu vidéo.

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le 30 déc. 2017

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