Drôle de film que ce dernier né de Luc Besson. On sait combien ce réalisateur alimente les critiques à chacun de ses nouvelles réalisations : trop américain, trop niais, trop clipesque. Quand ce n'est pas son mauvais goût c'est sa réalisation que l'on trouve lourde et son scénario que l'on trouve inexistant. À l'inverse ses supporters sont dévoués : il ose ce que personne n'ose, il porte le cinéma français et européen à sa manière à l'échelle mondiale, il est un réalisateur décomplexé et résolument innovant.


Valérian ne tranchera pas les débats car il est à la fois l'illustration des qualités et des défauts de son réalisateur.


Ce film est l'aboutissement d'une déjà longue carrière. Il est un Cinquième Élément puissance 10. Issu d'une adaptation de bande dessinée Luc Besson nous explique que c'est le rêve de môme et le projet de sa vie qu'il réalise. Libre de faire ce qu'il veut, possédant des moyens techniques et de productions faramineux, Besson a réalisé le film dont il rêvait.


La qualité première du film c'est sa production, absolument remarquable. On pourra dire ce qu'on veut du fond, Besson a développé un univers de science fiction fourmilliant, originale, inventif, parfois qui reprend des design connu comme celui d'Avatar, ou même du Cinquieme Element. Ce qu'on voit à l'écran est parfois inégal mais la profusion est telle que c'est un régal pour les yeux. Il se permet aussi un hommage à La Menace Fantôme avec un plan sous l'eau dans un sousmarin avec des créatures géantes. Il rend aussi hommage à Blade Runner avec un caméo de Rutger Hauer.


On notera aussi les effets spéciaux inégalés pour une production française, de la caption motion aux effets numériques. On a des scènes de bataille dantesques, des successions de décors colorés qui s'enchaînent a un rythme effréné dans de longues courses poursuites. Certains détails sont aussi très inventifs comme cette ville touristique qui est un immense désert et qui se transforme avec la réalité augmentée et des lunettes spéciales en un immense marché semblable aux souks arabes. La réalité augmentée est d'ailleurs probablement le thème SF le plus intéressant, trop vite évacué dans la seconde partie. Peu de films abordent cette thématique pourtant importante.


On trouve aussi l'audace de Besson. Sa scène d'ouverture est très bonne, élégante, bien réalisée sous fond de David Bowie. Elle est le pont avec notre réalité, celui qui nous emmène dans son univers futuriste. La première scène sur une planète idyllique se déroule dans une langue alien qui nous est étrangère. Des humanoïdes sont attaqués par une force inconnue, des vaisseaux s'abîment sur leur paradis. Ils sont condamnés. Puis on enchaine une succession d'univers en découvrant un duo Laureline et Valerian, amoureux et peau de vache, prétentieux et talentueux. Ce sont des agents fédéraux chargés de mener des enquêtes. Ils se charrient souvent et cela fonctionne même si c'est Cara Delevingne qui tire son épingle du jeu car son partenaire (Dane DeHaan) est souvent mollasson à l'écran, en plus d'être un personnage insupportable de prétention. Besson glisse quelques caméos, Alain Chabat dans un rôle bref mais sympathique, Rihanna et Rutger Hauer, sans parler de Etan Hawks et de Clive Owen. Le casting avait quand même de l'allure.


Valerian est pour ces raisons un film francais qui peut tenir la comparaison avec nombreuses productions américaines. Tout les effets techniques et esthétiques fonctionnent. C'est un film de tous les records, qui à le mérite d'aller sur le terrain des blockbusters américains.


Mais voilà, Besson en fait trop. Le film traîne en longueur. Sa première partie vraiment très agréable se transforme en une enquête un peu lourde et linéaire. Successions de plans sur des militaires dont on se moque et successions d'actions qui dérivent de la ligne originelle. Besson s'égare par passion. Il en montre trop. Il nous abreuve à l'extrême de son univers, et cela finit par lui donner des défauts. Des aspects entiers sont évacués ou à peine évoqués, des créatures sont moins réussies, il y a des fausses notes qui petit-à-petit s'enfilent tel un collier de perle de mauvais goût - ceux qui ont vu le film comprendront l'allusion.


L'aspect technique et visuel prend le dessus sur le scénario et l'univers intéressant lui même devient un prétexte à la surenchère visuelle. Quand on se penche sur certaines espèces alien il n'y a pas grand chose. Les cultivateurs de perle qui sont le centre de l'intrigue s'appellent les pearls, on aura connu plus original. Le scénario est finalement très basique et on se dit que l'univers développe pour servir une telle histoire à été quelque peu gâché. Le film de Besson entrouvre trop de portes sans s'y engouffrer vraiment. Il reste à la surface des choses. Son propos amoureux est naïf. Il n'offre pas de réflexion sur la technologie, ni sur le futur ou la société. C'est une banal enquête policière.


Si le duo fonctionne, le personnage de Valérian est épouvantable. Il n'évolue pas du début à la fin, prétentieux et arrogant jusqu'au bout. Le personnage de Rihanna est plutôt sympathique mais il ne sert au final que le scénario cousu de fils blancs. Les autres personnages sont assez caricaturaux notamment les militaires. Si Besson refuse de sombrer dans un patriotisme, ici absent fort heureusement, comme dans les films américains, il ne peut s'empêcher de faire sa petite morale pacifiste qui est en fait convenue. La guerre c'est mal. Sans blague.


Le film n'est ni mauvais ni bon. Il est agréable à regarder et même un plaisir dans son premier tiers avec des trouvailles visuelles, des effets bluffants. Il n'a rien à envier aux grands blockbusters américains sur ce point. On peut quand même dire que c'est plaisant de voir que le cinéma français et plus largement européen, est aussi capable de mettre les moyens au service d'une fiction. Mais l'aspect fictionnel est ce qui pose problème au film de Besson, qui se focalise sur l'esthétique et les effets et pas sur le fond. Plus un film policier qu'un film de science-fiction, Valérian est un prétexte à activer la machine à rêve dans l'espace, celle d'un gamin qui a toujours regardé vers les étoiles, à savoir Luc Besson. Beaucoup d'ambition dans ce film mais un résultat en dent de scie, hélàs. Le film est finalement le coquillage sans sa perle, majestueux mais un peu vide. "De la poudre de perlinpinpin" comme dirait l'autre.

Tom_Ab
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le 30 juil. 2017

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Tom_Ab

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