Malgré plusieurs bandes-annonces enthousiasmantes, tout portait à croire selon la presse américaine que le dernier projet pharaonique de Luc Besson serait un fiasco total. L'enjeu économique était pourtant de taille : un budget record de 197 millions d'euros qui, s'il n'est pas rentabilisé, signera l'arrêt de mort du studio EuropaCorp. La crainte grandissait et ma bonne volonté s'en allait petit à petit, jusqu'à ce que sa sortie en France bénéficie d'un démarrage plus que correct et d'une indulgence inespérée de la part des critiques. En effet, s'il n'est pas exempt de défauts, Valérian et la Cité des Mille Planètes est loin d'être le navet annoncé.


C'est vrai, il est de bon ton de cracher son venin sur chaque production EuropaCorp, ainsi que sur les choix souvent douteux de son fondateur. C'est peut-être mérité, tant le studio nous a abruti à coup de Taxi, de Transporteur et autres Taken ces dernières années, mais que les choses soient claires : si l'on passe outre ses activités de producteur-scénariste, Besson est un bon réalisateur, un styliste hors-pair, doté de ses thèmes de prédilections et d'un sens du cadre tout à fait singulier. Car oui, Valérian est bien, voire très bien mis en scène (à commencer par une séquence d'action virtuose, située sur plusieurs niveaux de réalité virtuelle). On y retrouve cette « ligne claire » que le cinéaste a toujours eu, cette fluidité de la caméra (avec notamment une omniprésence de plans-séquences) et son obsession de vouloir absolument tout chorégraphier (des combats, des dialogues ou même de simples déplacements d'acteurs).


Tout ceci apporte à ce blockbuster une limpidité rafraîchissante, allant de pair avec une direction artistique démente qui, inspirée du foisonnant univers graphique de Jean-Claude Mézières, tend vers une science-fiction vintage et fun. Le côté enfantin et toute l'étrangeté qui faisait le charme du Cinquième Élément (déjà fortement influencé par Mézières) se retrouvent donc ici, même si l'on regrette un cruel manque d’originalité dans la musique (Alexandre Desplat a exceptionnellement remplacé Eric Serra, ceci explique cela).


Irréprochable du côté de la technique donc, mais concernant le scénario, force est de constater que ça ne vole pas haut. Faute d'enjeux dramatiques consistants, l'implication émotionnelle ne fonctionne pas : on ne sait jamais vraiment après quoi on coure. Et ce n'est pas aidé les innombrables digressions narratives, davantage prétextes à exhiber des décors somptueux plutôt qu'à faire avancer l'intrigue. En guise d'exemple frappant : pendant un trou scénaristique interminable d'au moins quarante minutes, les deux héros se perdent et se cherchent (au sens propre) l'un après l'autre dans une immense station spatiale, sans que cela n'apporte quoi que ce soit à la dramaturgie. Les personnages s'avèrent par ailleurs très peu attachants, à tel point que le film aurait clairement pu s'intituler Laureline et la Cité des Mille Planètes, tant son collègue masculin est irritant (cette éviction peu galante déçoit de la part de Besson, lui qui avait auparavant offert de si beaux rôles à Isabelle Adjani et Anne Parillaud).


Malgré tout, entre deux bâillements dus à la vacuité certaine du scénario, on s'émerveille face au visuel extrêmement riche du long-métrage, dont la « légèreté pop » colle parfaitement avec la candeur du cinéma bessonien. Finalement, Valérian, ce n'est pas de l'argent jeté par la fenêtre.


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Amaury-F
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le 30 juil. 2017

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