Lorsqu'un cinéaste nous propose de suivre pendant plus d'1h30 deux personnages attendant l'apparition d'un fantôme dans la Vallée de la mort, on peut espérer un OFNI tout en redoutant de s'ennuyer un brin.
Pari tenu, et crainte justifiée. Incontestablement ce Valley of love sort du tout venant de la production française. Filmer l'absence de l'être disparu tout autant que les fantômes de la vie commune de Gérard et Isabelle pouvait donner un grand film, entre les mains par exemple d'un Tarkovsky ou d'un Bruno Dumont (auquel on pense pour son Twenty Nine Palms, autrement plus envoûtant).
Guillaume Nicloux a-t-il les épaules pour nous passionner avec un tel pitch ? La preuve n'en est pas administrée. On suit ce vieux couple sans que naisse la magie, et si l'on reste devant son écran c'est uniquement pour savoir de quelle façon le fils va se manifester.
La faute à une mise en scène atone. Un seul exemple : pour nous faire ressentir la chaleur oppressante du lieu, Nicloux ne cesse de mettre dans la bouche de ses personnages des "quelle chaleur ! ", "pffff... fait chaud", quand ce n'est pas simplement Gérard qui ahane comme un boeuf. Le cinéma, c'est peut-être tout simplement ça : faire ressentir la chaleur d'un lieu sans que les personnages y fassent la moindre allusion. Ou encore toucher le spectateur sans passer par des "je vous aime" dans une lettre posthume lus d'une voix étranglée et arrosés de larmes. Une exigence que les frères Dardenne, par exemple, ne perdent jamais de vue.
Filmer le vide, faire parler un paysage, voilà un art singulier dans lequel Guillaume Nicloux ne s'est sans doute pas assez investi pour se sortir avec les honneurs de son audacieux pari. N'est pas Bresson qui veut, et surtout pas d'un claquement de doigts...
Résultat, le film ne captive guère. Je sauverai l'épisode de la difforme jeune fille qui apparaît à Gérard, dont l'étrangeté est digne d'un David Lynch. Et tous les dialogues autour de la viande (Isabelle est devenue végétarienne, Gérard parle de ses orteils comme de "steaks") qui incarnent bien ce qui sépare aujourd'hui le couple. C'est à peu près tout je crois.
Avec pour protagonistes Huppert et Depardieu, les deux monstres sacrés du cinéma français, qui plus est dans leur propre rôle, on pouvait craindre une surenchère de cabotinage. Eh bien là, bonne surprise : si Huppert (dont l'épaisse tartine de fond de teint ne parvient pas tout à fait à cacher l'âge) reste assez sobre, c'est surtout Depardieu (exposant audacieusement sa surface) qui impressionne par la simplicité de son jeu. Dont acte.
Un mot sur l'image pour finir. J'ai trouvé les couleurs criardes, le jaune du désert, le vert de la pelouse, le bleu de la piscine... Mais la faute n'en incombe-t-elle pas à l'écran plat de ma chambre d'hôtel ? Cet objet conçu pour la laideur et qui remplit si bien son office ? Des millions de personnes s'habituent à cette esthétique cheap, ce qui ne lasse pas d'inquiéter. Un vrai crime à mes yeux. Qui n'a pas aidé ce film, déjà à la peine.