Un film qu'il est difficile d'aimer quand on connaît la version papier (et qu'on aime au moins un peu lire) et pourtant ce n'est pas un mauvais film. Les images sont fortes, les dialogues sont forts, les raccourcis sont... Ah! les raccourcis ! C'est un dilemme pour les adaptations d'oeuvres littéraires au cinéma, celles de ce genre en tous cas. Balzac se lit comme un roman d'aventures et pourtant il arrive à toucher profondément et à faire froncer les sourcils de concentration à son lecteur. Mais comment rendre ça à l'écran ? Facile : on passe outre. Et le film passe crème (sauf pour les amoureux du livre mais qu'ils sont chiants ceux-là)
Les acteurs sont assez laids j'ai trouvé en général mais ils conviennent impeccablement à leurs rôles. Vautrin n'est absolument pas comme je l'avais imaginé à la lecture : du reste il est très réussi. Dommage qu'il ne soit pas roux.
S'il y a un reproche catégorique tout de même que je serais capable de faire, c'est l'un de ces fameux raccourcis qui fut bien mal choisi, pour le moment où Vautrin apprend la mort de Lucien. Qu'est-ce que c'est que ces joyeuses façons d’escamoter le moment de gloire du plus beau personnage balzacien qui soit !!!



4/4/14 : oh je viens de me relire et j'ai vu une faute d'orthographe que j'ai corrigée, et aussi j'ai vu que si je ne citais pas ledit moment de gloire personne ne pouvait comprendre, alors voici :
(...)
Jamais tigre trouvant ses petits enlevés n’a frappé les jungles de l’Inde d’un cri aussi épouvantable que le fut celui de Jacques Collin, qui se dressa sur ses pieds comme le tigre sur ses pattes, qui lança sur le docteur un regard brûlant, comme l’éclair de la foudre quand elle tombe ; puis il s’affaissa sur son lit de camp en disant : — Oh ! mon fils !…
— Pauvre homme ! s’écria le médecin ému de ce terrible effort de la nature.
En effet, cette explosion fut suivie d’une si complète faiblesse, que ces mots : « Oh ! mon fils ! » furent comme un murmure.

[Vautrin/Jacques Collin est alors mené au cadavre, devant lequel il lit la dernière lettre de Lucien]

Avant une heure du matin, lorsqu’on vint enlever le corps, on trouva Jacques Collin agenouillé devant le lit, cette lettre à terre, lâchée sans doute comme le suicidé lâche le pistolet qui l’a tué ; mais le malheureux tenait toujours la main de Lucien entre ses mains jointes et priait Dieu.
En voyant cet homme, les porteurs s’arrêtèrent un moment, car il ressemblait à une de ces figures de pierre agenouillées pour l’éternité sur les tombeaux du Moyen-Age, par le génie des tailleurs d’images. Ce faux prêtre, aux yeux clairs comme ceux des tigres et raidi par une immobilité surnaturelle, imposa tellement à ces gens, qu’ils lui dirent avec douceur de se lever.
— Pourquoi ? demanda-t-il timidement.
Cet audacieux Trompe-la-Mort était devenu faible comme un enfant.
(...)
(H. de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes)

et puis c'est bête mais j'ai oublié ce film donc je me demande bien stupidement comment ils ont pu faire pour NE PAS ADAPTER CE PASSAGE ??!!!§
En revanche, comme j'ai le malheur de ne pas me rappeler ce film, je ne peux pas en être sûre, mais j'imagine que puisque je n'en ai pas fait mention, ils ont dû effectivement adapter, et qu'ils ont dû bien le faire, le passage du Père Goriot où Vautrin est arrêté. Je ne saurais retrouver cette scène mais elle est également belle !
Aphimorv
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le 24 mars 2013

Modifiée

le 4 janv. 2014

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Aphimorv

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