Après un « Bienvenue à Zombieland » réussi et un « Gangster Squad » prometteur, Ruben Fleischer revient de loin sur le grand écran et finit par nous servir un plat assez fade, si ce n'est pas sans saveur. Nous aurions beau chercher un fautif derrière cette vive intention de relancer un univers riche, cependant maudit depuis une décennie. L’univers de l’homme-araignée est pourtant encourageant, mais les répétitions prouvent qu’il y a comme une division dans son exploitation. L’acquisition, le partage et le prêt des droits font que l’on fragmente les possibilités, au lieu d’en assumer une viable. Ici, c’est bel et bien l’apocalypse qui s’est manifestée.


Tom Hardy, prestigieux, comme quelques autres dans le casting, ne parvient pas à rendre justice à Eddie Brock, mal négocié dans sa personnalité trop bienveillante et trop décalé. Le journaliste qu’il est n’a pas le cœur à partager une symbiose parfaite avec l’entité qui le possède et qu’on l’on peine à rendre attachant. Après une longue introduction du personnage, engagé, impulsif et maladroit, on découvre enfin un Venom qui aurait pu devenir plus monstrueux que prévu. Initialement, ce pseudo mister Hyde génère tout ce qui touche à l’envie et à la violence, bien que le premier point prédomine avant toute chose. Et c’est bien là qu’on entre en contradiction avec cet esprit rebelle. Sony y mêle un ton Deadpoolien qui n’entre pas non plus en phase avec son script humoristique. Il fallait trancher pour de l’horreur ou pour une comédie, mais le mariage n’est pas convaincant. Évidemment, le désir d’introduire le personnage au sein du Marvel Cinematic Universe saute aux yeux, mais pour un personnage solitaire et imposant comme ce dernier, il reste cependant une symbiose nécessaire pour que tout se passe à merveille. L’absence de Spider-Man sort l’anti-héros du contexte et c’est pourquoi il souffre d’un mal-être qui sévit les derniers blockbusters qui se sont trop vite précipité dans la volonté de remplir la caisse, avant de remplir un cahier des charges respectueux.


Parlons-en d’ailleurs, le syndrome Suicide Squad n’est pas la première ni la dernière référence qui a fait chuter les attentes des fans. C’est pourtant un point à ne pas négliger lorsque l’on prend des initiatives aussi ambitieuses. Hardy disparaît sous un masque numérique de mauvais goût, illisible au possible au moment où l’action doit recapter l’attention perdue dans des bavardages oubliables, mais surtout peu pertinents. Le récit est décousu de bout en bout, comme s’il manquait des raccords essentiels dans l’évolution des personnages et de cette relation qui s’accélère dans une incrédibilité grotesque. L’hommage involontaire à des comédies populaires certainement, mais c’est bien l’aspect série B qui ressort de cette réalisation qui cabotine comme jamais. Carlton Drake (Riz Ahmed) est un méchant, tout ce qu’il y a de plus lambda et revisité depuis un moment. Cela aurait pu dévier sur des enjeux plus intéressants pour rattraper le coup, mais rien ne va du côté de ce personnage paresseux en écriture.


L’intrigue se résume rapidement en sketches qui ne parviennent pas à capter un public qui cherche à découvrir un personnage féroce. Au lieu de cela, « Venom » est aussi tendre que les morceaux qu’il croque. On zappe rapidement ce détail, on banalise la violence et on feint d’apprécier le ton fun que l’on assume à moitié. Le montage est principalement en cause, à la vue d’autant d’incohérence et du manque de profondeur et de tact dans les manifestations hasardeuse du symbiote. Ce n’est qu’un bouilli de potentiels, gâchés pour rester en phase avec un agenda qui a fini par détériorer la qualité du produit final. Alors que des idées de suite se profilent, nous espérons tout de même le meilleur pour ce nouveau multi-verse qu’on l’on pourrait rendre soit plus joyeux, soit plus terrifiant, il faudra trancher en amont pour que l’écran ne bave autant sur un discours incompatible avec le tempérament d’une bête sauvage et d’un pantin très limité dans sa démarche.

Cinememories
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le 12 sept. 2022

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