Faire pire que Suicide Squad était donc possible, qui l’eût cru ? Vierge de tous spoils lors de son visionnage, Venom réalise donc une prouesse inespérée en frisant la surprise en bonne et due forme, un tel échec plaçant le futur Sony Marvel’s Universe (quelle drôle d’idée aussi) sous de dramatiques auspices… quelle catastrophe sans nom !


Pire encore, même avec une heure de pellicule supplémentaire et un montage adéquat, on est bien en peine d’imaginer comment le film aurait pu redresser la barre - et c’est peu dire. Nul miracle à l’horizon donc, pas même des plus hypothétiques, Ruben Fleischer et son équipe se vautrant avec application à l’aune d’une production chaotique : suspendu à la bonne fortune (ou non) des aventures sur grand écran de Spider-Man, et effectivement baladé de mains en mains, l’emblématique symbiote débarque aujourd’hui avec une gare de retard et un statut des plus handicapants.


Pourquoi ? En ce sens, sans le couvert sécurisant et pertinent de l’étiquette spin-off, le film devait satisfaire les prérequis de toute origin-story réussie tout en se coupant purement et simplement d’un univers « acquis ». S’il ne s’agit pas de jeter la pierre à un tel parti-pris (ou histoire de gros sous, au choix), force est de constater que Venom se compliquait d’emblée la tâche, sans compter son rôle de « première pierre » à un édifice d’ores et déjà branlant.


Pour ma part, je n’aurai pas la prétention de me lancer dans une critique assassine placée sous le sigle d’une fidélité bafouée : comme tant de figures issues d’œuvres de Marvel, DC etc., la familiarité que j’entretiens avec le personnage tient davantage de croyances enfantines et disparates que d’une réelle connaissance, son véritable background originel m’échappant ni plus ni moins dans sa quasi-totalité. Je tergiverse, mais un tel brouillard présentait bien des intérêts, le plus important étant de « juger » ici Venom en tant qu’objet cinématographique et rien d’autre - et quand l’on voit le résultat… mince quoi, valait-il mieux savoir ou non ? Difficile à dire.


Car oui, passé trois gags faisant à leur manière mouche (la providentielle triade du Pussy-Clebs-Loser), et un, je dis bien UN, plan graphiquement sympathique (pour que je m’en souvienne en dépit du reste, voila qui en dit long), Venom est l’archétype-même du long-métrage raté, qu’importe ses aspirations super-héroïques ou plus formellement de blockbuster : tous ces détails n’ont finalement que peu d’importance au regard d’une telle débandade.


Montage hyperactif, caricatures ambulantes, écriture prévisible, ficelles pataudes et mauvais goût des plus prononcés : Venom cumule tellement de poncifs du genre que l’on en vient à s’interroger sur ses prétentions premières, si ce n’est s’en foutre royalement au point de se passer la corde autour du cou avec une minutie maladive. Sérieusement, comment un tel accident industriel a-t-il pu voir le jour ? Même Tom Hardy, pourtant auréolé d’une hype certainement justifiée, se retrouve là à devoir cabotiner sans aucunement convaincre, son jeu nonchalant (finalement dans la droite lignée du ton qu’emprunte le long-métrage dans son ensemble) grossissant les traits d’un Eddie Brock aussi stupide que lisse.


Mais à l’image d’un Drake tragiquement vilain, au risque de s’autoparodier, les protagonistes de Venom ne sont jamais que le reflet d’une intrigue douée d’une paresse infernale : qu’il s’agisse de « réalisme » (on ne demande pas la Lune non plus, mais tous ces raccourcis bon sang), les retournements de vestes en pagaille et cette trame téléphonée à l’extrême, le film s’applique tout du long à progresser à partir de « rien », l’artificialité de son fil rouge et de ressorts tenant du foutage de gueule (quitte à piétiner toute ébauche de cohérence).


La liste pourrait être encore longue, son enrobage formel valant bien à lui seul quelques paragraphes bien sentis (je n’ose même pas imaginer une séance 3D), où seule une séquence parvient à tirer son épingle du jeu (lorsque Drakiot - oui, ils méritent bien un surnom ridicule - « absorbe » son adversaire repentant). Malheureusement, on retiendra davantage cette folle course-poursuite ponctuée de drones-kamikazes - alors là, franchement bravo, il fallait y penser - ou plus globalement une mise en scène totalement aux fraises, tandis que l’envergure surhumaine et destructrice de Venom ne transpire que par intermittence… un état de fait certainement corrélé à la violence savamment édulcorée dont se pare le film, mais le contraire eut été étonnant.


Bref, n’espérez surtout pas assister à un Deadpool-like (toutes proportions gardées), celui-ci s’enfonçant dans les sentiers battus sans jamais effleurer la complexité propre au personnage : il est après tout bien plus simple de s’en tenir à une lecture superficielle du bousin, nous en conviendrons. De l’icône anti-héroïque à fort potentiel au massacre unilatéral, il y a donc Venom : une vaste farce même pas drôle où nuances faussement ambivalentes, négligence ambiante et crétineries de tout ordre forment un cocktail à déconseiller même à votre pire ennemi… quoique ?

NiERONiMO
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le 2 nov. 2018

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