C’est un vrai défi d’arriver à faire aimer un vilain, mais le spectateur sait fait la part des choses et est capable de prendre plaisir à suivre quelqu’un dont il ne cautionne pas les actions.
Le tout c’est qu’on lui donne quelque chose de bien troussé.
C’est encore plus facile quand le méchant évolue dans un univers de fiction.
Venom devait être le vilain qu’on prendrait plaisir à découvrir, et le choix de Tom Hardy nous laissait espérer de chouettes moments.
Oui on aurait du pouvoir aimer le film quitte à être perturbés par un héros qui joue du mauvais côté.
Sauf que ce n’est pas du tout l’idée du studio et/ou du réalisateur.
Ils ont préféré faire de Vénom l’entité “à peu près” méchante qui va devenir présentable au contact d’un humain héroïque.
Choisir de ne pas assumer son anti-héros badass pour en faire un anti-héros soft, ça change tout..
Alors qu’on nous affiche et nous annonce un rôle titre malsain, on se retrouve avec quelque chose de presque aseptisé (les scènes les plus violentes sont systématiquement coupées, et le monde retrouve son aspect de papier glacé en un battement de cil), et surtout à une morale hyper attendue.
De la relation du héros avec sa petite copine à sa relation avec le symbiote en passant par son rôle de journaliste d’investigation au grand cœur, il n’y a rien de saillant chez Eddie Brock.


A la rigueur on pourrait se dire que ce n’est pas la première fois que le héros n’est pas folichon, alors on pourrait se pencher sur le reste, à commencer par son antagoniste.
Là aussi rien de folichon: le patron qui investi massivement dans de la recherche au mépris de vies humaines, on connait, si bien qu’on aurait aimé découvrir en cours de route qu’on s’était trompé de, qu’on croyait suivre savoir mais qu’on s’était fait avoir comme des bleus.
Et bien non.


Alors peut être que le reste sera bien construit? La relation entre Venom et son réceptacle, l’explication de leur relation,....
Là aussi on aura l’impression d’avoir payé pour un cheval de course mais de se retrouver avec un vieux poney boiteux: chaque tentative d’explication tombe à l’eau.
On ne prend pas la peine de travailler sur la cohérence, on enchaine sans honte une scène pendant laquelle vénom interroge Eddie sur sa vie puis une autre pendant laquelle il lui rappelle qu’il est dans sa tête et sait donc tout ce que son hôte connait et pense.
On a sans doute loupé le moment de bascule où la fusion des deux s’est accentuée, expliquant le passage de l’un à l’autre, mais le problème c’est qu’on a souvent l’impression d’un décalage entre ce qu’on voit et ce qu’on avait commencé à intégrer.
C’est surtout qu’à force de déplorer le manque d’attachement qu’on peut avoir pour le héros, on rejette son attention sur tout ce qu’on trouve, et forcément quand on cherche les problèmes, on devient un mauvais spectateur, celui qui regarde à charge (mais fallait pas nous chercher aussi! C’est qu’on a payé de notre personne pour débourser le prix de la place face à une machine récalcitrante!).


Reste l’action, les combats, course poursuite et autres scène “marquantes”.
Là aussi on reste sur la réserve: c’est qu’on a été tellement indifférent à tout qu’on scrute avec attention le dernier vestige d’espérance qu’il nous reste.
Là aussi on est à des kilomètres d’un résultat maitrisé: le dernier combat est illisible et on attend patiemment qu’il se termine pour découvrir qui a gagné, même si on sait qu’il n’y aura pas de surprise.


Le problème de Venom n’est pas d’être un mauvais ou un bon film, c’est un produit lambda perdu au milieu d’une myriade d’autres beaucoup plus cohérents et aboutis, et même quand ils ne le sont pas, ils s’inscrivent dans un tout et on peut au moins les rattacher au reste.
Venom est un anti-héros qui a perdu le héros contre lequel il se bat, et dont le plus grand malheur est sans doute d’être privé de ce qui aurait pu et dû être sa force: un univers noir, saignant, sans pitié.
A partir du moment où on retire à un méchant ses moments de terreur, qu’est-ce qu’il en reste?

iori
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le 14 janv. 2019

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iori

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