En sortant de la projection, je me suis interrogé à savoir pourquoi, alors que je suis assez sensible au cinéma asiatique, celui de Naomi Kawase me laissait souvent en repli. « Vers la lumière » ne faillit pas à la règle et je serai même plus dur. Car entre les premières scènes et les dernières, il y a tant de flottements que cela en devient fatigant au sens propre comme au figuré. Oui j’avoue j’ai piqué du nez !


Mais cela m’agace, car cette réalisatrice est dotée d’un talent indéniable. Elle possède de plus une expression cinématographique qui lui est propre empreinte de technique poétique appréciable. Comme pour « Still the water », ou encore « Les délices de Tokyo » certains plans mériteraient que l’on s’y arrête pour profiter pleinement de leurs beautés. Bref cela devrait me séduire… Mais non !


Ce matin en petit déjeunant, je repensais au film. Mon esprit souvent vagabond, s’est mis à fureter dans ma mémoire. Entre café serré et deux trois infos glanées un nom m’est revenu à l’esprit Carolus Duran. Qui c’est celui-là ? Quel rapport allez-vous me dire ? J’y viens…


Je devais être haut comme 3 endives, et je me baladais dans les allées du Musée des Beaux-Arts de Lille (le PBA aujourd’hui c’est tellement plus « frais »). Je stoppe net. Mais alors net ! Devant moi une toile immense « La dame au chien » du fameux (enfin à l’époque) Carolus Duran. J’étais ébloui par cette femme qui en impose, les détails de sa tenue, la composition du tableau, le petit chien… Je me transposais avec elle dans une soirée mondaine, un bal… bref quelque chose de tourbillonnant, vivant, clinquant… un univers à la Sisi (à l’époque j’étais un peu moins strict sur les véracités historiques). Mon père s’approche, me dit « tiens je vais te montrer un autre tableau ». Quelques pas plus loin, une toile toute aussi imposante, « Jeune femme lisant une lettre, dite Les jeunes » de Goya. Mon cœur se met à battre… ici pas de transposition, je suis tout simplement transporté sous les cieux ibériques. Cette jeune fille dont les atours de ne laissent guère de doute sur sa condition de notable, elle, ne pose pas, et se trouve en plein cœur d’une scène de la vie quotidienne. Tous mes sens sont mis en éveil par impressions… sensation de chaleur, le jacassement des lavandières, odeurs mêlées de savon noir et de miasmes urbains, l’antinomie graphique entre premier et second plan, l’âpreté de l’air… La Mondaine versus la Maja. Mon père me dit alors « tu vois, ces deux peintres sont dotés d’un talent exceptionnel, l’un s’attache à la frivolité, au superficiel, aux détails qui viendront caresser l’œil et séduire en toute suffisance. Cette dame au chien est en représentation. L’autre peintre, s’attache tout autant à son sujet, elle n’est pas là pour se faire valoir, sa fraicheur, sa beauté, son aisance se suffisent à elles-mêmes, il la place au cœur de la vraie vie, et elle rayonne dans un environnement qui est tout sauf factice. Il ne cherche pas à séduire, il nous raconte une histoire, saisit le temps fige le moment présent qui s’estompera bien assez vite». Ce jour là je comprenais certaines choses…


Mais en voilà assez de cette digression ! Elle est pourtant en rapport direct avec ce que je ressens vis-à-vis du film. Naomi Kawase connaît l’étendue de son talent, de ses belles capacités et donne l’impression aujourd’hui de vouloir absolument les mettre en valeur en venant y plaquer un sujet original mais universel censé toucher une fois encore un public qui lui est acquis. « Vers la lumière » est un film où toute trace de vie est en en représentation ! L’émotion quant à elle imprégnera peut-être le prochain film…

Fritz_Langueur
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le 18 janv. 2018

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