Vice-Versa ou la preuve que le latin et la littérature médiévale parle encore aux spectateurs du XXIe siècle.
L'Histoire des sentiments d'une petite fille, d'une période de trouble suite à un déménagement qui déclenche une folle aventure aux tréfonds de la conscience et une fugue de préadolescente.
Question: ça vend du rêve ou c'est un nouveau concept bobo pour justifier l'insolence toujours plus précoce des enfants?
Réponse: ça vend du rêve et met en scène les sentiments à la façon des allégories médiévales qui un corps et un comportement correspondant à ce qu'elles représentent. Sauf que ces allégories ne rencontrent pas le personnage pour l'orienter dans un sens ou dans un autre: elles sont dans sa tête.
Ce qui renoue avec le lieu commun cinématographique et télévisuelle de la tête comme cabine de pilotage gérée par des émotions incarnées. Mais leur interaction avec l'individu et avec des comportements qui parlent vraiment, que l'on peut observer, frappent plus que jamais.
Parmi elles, Joie et Tristesse - dignes des plus beaux poèmes français ( "Toute Liesse défaut, Tous coeurs ont pris par assaut Tristesse et Mélancolie", Eustache Deschamps) - que l'intrigue s'ingéniera à présenter comme
complémentaires.
Le film ne se contente pas de montrer l'intériorité de la jeune fille, d'où le titre (pardon aux non latinistes.)
Vice-versa signifie, dans un sens non littéral, dans un sens et dans l'autre, inversement
Il montre aussi l'intériorité des différents protagonistes, non sans une touche d'humour d'ailleurs.
Mais justement ce titre est mal illustré car l'intériorité de l'héroïne fait hégémonie et écrase littéralement celle des autres personnages, trop peu présent. L'individualisme ambiant, sans doute. C'est bien dommage car les scènes de rencontre entre les diverses intériorités sont les meilleurs moment du film d'animation.
De même, si Docter choisit de mettre en scène des allégories sentimentales, il les prend par trop au pied de la lettre, ce qui sert le rire et la dramatisation mais qui gêne la symbolique. Par exemple, Tristesse est présenté comme le marginal de la cour de récré à réconcilier avec les autres et prends tous les traits de ce personnage qui n'est pas forcément tristesse mais anticonformisme. De même, Joie apparaît comme la meneuse de bande: elle se confond avec le charisme et le désir de plaire.
En conclusion, un très beau film d'animation qui parle à tous, petits et grands, livrent de très belles émotions mais reste trop axé sur l'individu.