Ce soir, c'est dit : "Vice-Versa". Je repousse mon mémoire, avant d'aller chez mon pote (qui a l'avantage d'avoir ce film en BluRay 3D et l'écran qui va avec), jetant un dernier coup d'oeil à Sabina Spielrein, étendue dans mon lit, Freud, affalé sur mon bureau, et Jung, timidement caché sous un tas d'autres bouquins. Ce soir, c'est "Vice-Versa", ce soir ... Et bien je ne m'éloigne pas tant que ça de mon charmant petit mémoire, qui consiste grossièrement en une dissection précise des mécanismes de la psyché humaine. Une passion, croyez-moi. Ce qui ne me donne que plus envie de me plonger dans ce film, avec, toujours, cette petite appréhension qu'on fasse d'un excellent concept un truc assez débile, voire plus que passable (nous, cinéphiles, connaissons bien ce sentiment, n'est ce pas ?).
Hop, allez, plongée dans l'appareil animique, et ce sous les filtres (que je pensais bien connaître) de Disney-Pixar. Étonnamment, l'esthétique, le graphisme, se détache des autres productions de ces studios. Trop enfantin, me concernant, mais qui a le mérite de faire de "Vice-Versa" un ... Mh, un "autre chose", un "autre part", quelque chose que l'on peut dissocier du reste des productions rien que du point de vue esthétique. Et ça, c'est un bon point. Couleurs nettes, précises - chacune à son rôle, le dialogue des codes-couleurs n'en est que plus évident - traits simples, bienvenue au royaume des symboles et des allégories de chaque émotion.
Et ça tombe bien, c'est pile dans le thème. Ajoutons une touche de métacinéma - après métapsychologie - et continuons notre petite critique.
"Vice-Versa" a le mérite d'être une sorte de concrétisation de toute une pensée qui ne s'articulait, alors, qu'en mots. Ceux qui se sont tapés de long en large - comme moi - la métapsychologie freudienne, m'approuveront quand je dirais que, finalement, ce que fait Freud, c'est délimiter des zones, des espaces, des topiques, morcelant la psyché humaine en une innombrables sommes de choses qui font que. Jusqu'alors, on visualisait à peu près, avec des schémas plus que subjectifs, à quoi pouvait bien ressembler l'inconscient, le préconscient et toute cette clique. "Vice-Versa", c'est une version de cette fragmentation de l'appareil psychique. Et ça, j'approuve. Une poétique de l'intérieur de la tête, où les métaphores, allégories, symboles et autres sont efficaces, voire même percutants. Les "îles" de la personnalité, le "labyrinthe" de la mémoire, les créatures (qui ressemblent fortement à des Dragibus sur pattes) qui balancent, comme ça, pour tripper, les mélodies increvables des publicités télévisuelles dans l'esprit de la petite - et ce pour expliquer pourquoi, en nous levant le matin, souvent, une cinglée chante "Pesto, pesto, pesto, Panzani pesto*" en boucle dans notre tête -, le "train" de la pensée ... Ah, c'est beau, cette poésie mi-psychanalytique, mi-enfantine. Ça a le mérite de nous faire comprendre, facilement, comment que ça fonctionne là-dedans. Palpitant.
Je tiens à dire que cette poésie est très, très bien ficelée. C'est carrément délectable - si on admet l'idée que notre psyché ressemble à un parc d'attraction géant - et très intelligent. Encore un concept bien mené, wé !
C'est aussi drôle qu'émouvant, comme dans chaque film d'animation. Rien à dire là-dessus. Les petits clins d'oeils aux adultes - principe que j'assimilais plutôt à Dreamworks, roi dans l'art de faire des vannes s'adressant aussi bien aux mômes qu'à leurs géniteurs, et même à quiconque regarde une de leurs productions - sont bien trouvés (vive le bouton "Puberté" sur lequel il ne faut pas appuyer). Quant à l'incursion dans la tête d'autres personnages ... Délectable. Chaque spectateur se met alors à imaginer ce qu'il y a dans sa tête, à lui, et l'histoire continue ainsi, hors de l'écran.
Tout ça pour dire que, même si "Vice-Versa" ne m'a pas stimulé le cerveau en y plantant des questions existentielles, il est un beau calque à poser sur mes futures introspections, en particulier celles où j'ai le cerveau enfumé.
*Pardon pour ça. Chantez-la à voix haute, il paraît que ça marche.