Eschatologiquement vôtre : "Quitter la chaire ancienne, pour trouver la peau meilleure"

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Nous ne dirons rien sur le rapport de l'homme à l'image qui pose un véritable problème anthropologique et philosophique depuis plusieurs millénaires : entre idolâtrie et iconoclasme, les deux versants d'une même idée s'affrontent.
Mais qu'est-ce qu'une image, si ce n'est la dé-formation, et donc la désinformation de la réalité (qui n'est qu'elle même une production d'une subjectivité...). Bon, eh bien, dans Vidéodrome, l'homme est pris dans cette spirale du désir qui ne cesse pas : celle de regarder d'une part des images (1) et d'autres part, celle de regarder des hommes, se faire frapper (2). On peut réfléchir au principe du snuff movie : pourquoi en vient-on à regarder, et donc à tourner ce genre de film ? Car l'homme n'est que le déscendant de Caïen, qu'il est un Sodomiste et Masochiste, tout droit sortie des Enfers. Outre ce contexte clairement religieux, et bien pesant dans une généalogie du plaisir du spectateur, il y a tout le problème technique. Qu'est-ce que la technique, si ce n'est le moyen qui permet d'ouvrir des nouveaux horizons d'exploitation de l'image, d'augmenter de façon exponentiellement la diffusion d'une même image au même moment donné ? (par exemple, sur une chaîne télévisée...). Ainsi, se pose le problème éthique et morale (et donc politique) de diffuser certaines images "malsaines" à la TV. Faut-il autoriser des snuffs movies à passer sur Canal 84 ?


D'autre part, le principe de la réception de ce vidéodrome montre les conséquences néfastes, et même très dangereuses, car suicidaires. Regarder une image, c'est prendre le risque de confondre son essence (reproduction) et ce qu'elle représente, donc d'oublier que l'image n'est qu'une mimésis. Autrement dit, dans le film, le professeur s'est filmé pendant toute sa vie pour parvenir à une mort prématurée : voulant devenir immortel par la fixation de soi à travers la re-production de son être, il s'est finalement privé d'être pour demeurer dans "la peau nouvelle et immortelle" qu'est l'image télévisuelle.
Pourquoi croyez-vous qu'aujourd'hui tous les hommes, même les plus intelligents, acceptent de passer à la Télé ? Car il cède au désir de l'immortalité, pensant que ce médias, cette captation de leur image rediffusée instantanément ou non devant les yeux écarquillés de la plebs, va les rendre "divins". La télé, c'est le nouveau mont Olympe, et y passer, c'est goûter à la plus pure des ambroisies.
Sauf que. L'homme se duppe, et qu'il confond, par manque de recul, et par abrutissement de l'image, à un mélange entre la chose, et sa reproduction fictive. Ainsi, le héros est excité d'être passé dans le vidéodrome, qui l'a contaminé à jamais. Par cet état de non-retour, un peu comme un premier meurtre, il va vouloir se venger du Vidéodrome. Se venger en détruisant les collègues de sa chaîne qui va potentiellement devenir le lieu de la diffusion du "poison", mais aussi en détruisant celui qui est sur le trône du système vidéodrome... Son côté terroriste-politico justicier, n'est tout de même pas héroïque, puisqu'il termine par s'anéantir au nom du corps nouveau qu'il va trouver dans l'image (celle-là même qu'on regarde, après qu'il l'ait regardée, dans l'ultime scène). Pour autant, peut-on ne pas voir qu'il a été séduit, plus que convaincu, par cette eschatologie numérique de la nouvelle peau ? Cette catin de Cruella l'appelle lancinement à le rejoindre : la femme reste une Eve qui conduit au péché...

Mansfield
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le 14 mai 2016

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