Quand un perroquet loquace ne trouve plus mot à dire

La politique, monde insaisissable que l’on tente de comprendre sans jamais réussir à l’effleurer du doigt, est au centre de Viva la libertà, un pamphlet satirique prenant pour personnages les costumes au verbe assuré qui se battent pour conquérir le pouvoir de guider le peuple. Le cynisme avec lequel Roberto Andò présente les deux hommes qui vont mener sa dénonciation est une belle promesse pour la suite des évènements. Et dès que le plus charismatique des deux se met à la conquête du cœur des électeurs de son frère, en écornant toute idée politique convenue d’un discours à la forme virtuose et au fond très populaire, de ceux qui font les grands orateurs, Viva la libertà prend des allures de brûlot certes contenu, mais très acide. De quoi laisser espérer un déroulement au moins aussi corrosif dans la suite.

Mais c’est sans compter sur les intentions plus intimistes de Roberto Andò, qui en parallèle au combat politique populaire qu’il initie, développe un portrait d’homme à travers deux jumeaux dont les styles de vie sont très différents. Le premier est aussi sérieux que le second est fantaisiste, mais ils se partagent tous deux un certain culte de l’esprit, sans toutefois l’user de la même façon. Tony Servillo relève le challenge de donner vie aux deux frères avec un talent certain, parvient à retranscrire à l’image deux caractères très différents, mais s’enferme un peu dans une histoire qui n’a finalement pas grand-chose à offrir, sinon quelques séquences isolées qui parviennent à être touchantes.

Car en illustrant à la fois le combat politique très ironique auquel se prête son député par intérim et la retraite ressourçante, que s’offre l’homme politique de métier dépassé par les critiques de ses électeurs potentiels, Roberto Andò se perd un peu. Il émousse autant la verve de sa satire politique qu’il reste en surface du potentiel émotionnel que revêt le retour à paris d’un homme dépassé par le pouvoir, dont le cœur est toujours habité par son ancien amour. Chaque séquence dans la capitale française fait l’effet d’une visite au tombeau des souvenirs, d’autant plus qu’elle se déroule au sein d’une famille de cinéastes un peu ronflante … pas certain que le choix de ce métier soit très malin, en plus de la fable politique et du portrait d’homme, une mise en abîme des métiers du cinéma semble en effet vraiment de trop.

Viva la libertà est un film stimulant dans sa première partie parce qu’il se veut être l’écho de la voix du peuple. Son discours, très frontal, y est assené par un acteur à l’élocution solide et forcément son fond mettra tout le monde d’accord, en ces temps politiques peu propices à la satisfaction. Mais en omettant de nuancer le personnage qui retourne les foules parce qu’il le cantonne à un philosophe exotique pourvu d’un féroce talent d’orateur, et en faisant ce choix discutable de couper la fougue de chaque passage politique par un retour au vert très monotone, Roberto Andò se contente finalement de faire des promesses sans aller au bout des choses. Conséquence, c’est un peu déçu, diverti mais pas convaincu, que l’on finit la séance.
oso
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le 18 nov. 2014

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