« Without Name » semblait déjà tutoyer l’étrangeté d’un environnement. Et si le festival du TIFF renforçait les désirs du réalisateur irlandais Lorcan Finnegan de penser plus grand, c’est le cas avec cette œuvre qui nous baigne dans l’enfer de la routine et bien plus encore. Toujours suivi par le scénariste Garret Shanley, ce second long-métrage explore une boucle sociale qui touche tous les couples, régis par une société capitaliste et fasciné par la surconsommation. Et c’est en tâtonnant sur l’aspect horrifique et humoristique que le film piégera le spectateur, lui qui peut se croire à l’aise et confortable dans sa demeure, qu’il entretient dans la pression sociale et dans les responsabilités familiales. En filigrane, un air d’étrangeté s’installe alors afin de convoquer plusieurs idées de mise en scène, servant parfaitement les sujets et le décor.


Tom et Gemma, respectivement campés par les fantastiques Jesse Eisenberg et Imogen Poots, ont tout pour plaire, tout pour réussir et tout pour échouer. Rien n’est tracé d’avance pour ce couple dont la complicité va pourtant être remise en question par le prisme d’un enclos à ciel ouvert. On ne cherche pas à cacher davantage le concept de l’intrigue, on met les pieds dans le plat. La banlieue pavillonnaire reste le blason de la classe moyenne qui cherche à démarrer une nouvelle vie et ce portrait nous est conté avec un cynisme angoissant et intelligent. Le programme est rude et le plan d’action semble redondant, mais c’est justement sur cette boucle que l’on joue avec les nerfs des personnages comme ceux du spectateur. Le monopole revient à cette force invisible, comme un hôte impromptu et qui régule la folie de ses locataires afin de mieux les amadouer. Ce postulat de départ verra ses grandes lignes et métaphores se décrypter d’entrée, mais avec du recul, il est possible de s’y retrouver dans ce labyrinthe mental.


Le jeu de rôle est une règle imposée et cela nous éclaire un peu plus sur les enjeux. L’anti-portrait des parents se dresse et c’est à nous de recoller les morceaux, afin de mesurer chaque segment du quotidien d’une famille reconstitué et dysfonctionnel dans la durée. Cette problématique finit par prendre le pas sur la performance des acteurs, à l’image de leur liberté qui s’efface petit à petit. Comment élever un enfant devient un sujet dérisoire et le ton est souvent décalé grâce à un humour qui maintient les personnages dans les enfers ? Et avec un sujet si ouvert, l’œuvre n’insiste pas plus pour rendre son concept plus contemporain. L’atmosphère de la « Quatrième Dimension » interagit avec sournoiserie pour que l’on ne perde ni l’intérêt, ni l’espoir de connaître un dénouement heureux. Cependant, le véritable bourreau derrière cette relation toxique nous rappelle ô combien nous sommes petits et formatés pour creuser notre propre tombe, quoi que l’on fasse, quoi que l’on surpasse. Tout est calculé.


Il a largement fait parler de lui au festival du film fantastique de Gérardmer, « Vivarium » nous poursuivra sans doute encore un moment, grâce à la richesse de ses propos intemporels. Et peut-être que la morale finale nuit à l’engagement d’un public qui se fait inévitablement hypnotiser et consoler, il n’y a pas de choix à faire. Le magnétisme est enclenché et la brutalité du produit peut en laisser plus d’un sur la touche. Dans le cas contraire, la fausse publicité aura de l’impact, jusqu’à atteindre la jubilation d’une aventure vertigineuse et empreint d’une malveillance exposée à l’artificialité de l’existence.

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le 19 avr. 2020

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