Les visiteurs se laissent pousser la moustache !

Connaissez-vous le Taboulistan ? Non ? Pourtant ce pays existe et entend bien le faire savoir via une publicité originale : le terrorisme ! Et ce sont deux frères, Feruz et Muzafar, qui sont choisis pour détourner un avion sur la Tour Eiffel. Mais suite à une grève, l'avion se pose en Corse et un incroyable périple commence pour rallier la Capitale !

Michaël Youn, dans les années 2000, c'était cet énergumène régressif qui hurlait dans un mégaphone en montrant son cul le matin sur M6. Il jouait dans des comédies pas terribles. Un type fatiguant, énervant, excessif, soupe au lait et, avouons-le, pas très drôle. Bref, le genre de trublion (le mot phare du PAF est placé) dont il était difficile de soupçonner le passage en HEC, au cours Florent et la cadence de travail stakhanoviste.

2010 : Fatal sort sur les écrans et c'est la claque ! Ultra-punchy, hilarant, bien foutu, Fatal s'impose immédiatement comme un film culte, dégommant toute la concurrence dans un festival d'inventivité et de modernité à la fabrication impeccable. Du vrai bon cinoche populaire, toujours ironique mais jamais cynique, mordant et trash comme il faut et surtout drôle (ce qui est le lot d'une comédie française sur...15 ?). Et quand on sait que c'est un premier film et, qui plus est, le premier film de Youn (qui a occupé presque tous les postes), ça remet vite en place les a priori sur le bonhomme. Aussi antipathique et égocentrique puisse t'il paraitre (et être si ça se trouve), il fallait s'avouer que le mec était grave talentueux. Acteur énergique, scénariste impliqué et surtout, réalisateur dynamique et visuellement ambitieux. A tous ceux qui n'ont pas encore découvert Fatal, sortez de vos réserves car vous passeriez à côté d'une des meilleures comédies françaises des dernières années !

On attendait donc le bonhomme au tournant pour son deuxième opus, Vive la France, sorte de réponse frenchy au Borat de Larry Charles (Fatal étant déjà une réponse à Zoolander de Ben Stiller) qu'on imaginait déjà aussi trash et hilarante. Etonnament, Vive la France est un second film qui ressemble beaucoup à un premier car plus simple et moins foisonnant. Ainsi, autant Fatal était parfois trashouille et carburait à l'artifice (dans une tradition très ricaine), autant Vive la France s'inscrit dans une dynamique purement franco-française. On se croirait plus dans Les visiteurs que dans Borat avec ce duo de gugusses naif mais aussi profondèment attachant. L'alchimie entre le génial José Garcia et son réalisateur est incroyable, évidente, créative et si bien équilibrée que chaque dialogue est un délice de justesse et de drôlerie. Un tandem qui fait des étincelles et qu'on suit avec plaisir, entre rires (beaucoup) et larmes (un peu).

Car Vive la France ose la tendresse et l'émotion, sans cynisme mais avec assez de pudeur pour viser juste. Soit la chose qui foire dans 80% des comédies françaises, qui oublient souvent d'être drôles d'abord. Il faut donc saluer le talent de la direction d'acteurs et des deux comédiens qui font immédiatement oublier l'accent prononcé et la caricature par une interprétation et une caractérisation juste de leurs personnages. Et ce même si le postulat du film est délirant. Ou l'art d'être sérieux sans se prendre au sérieux. Beaucoup d'excellents seconds-rôles également dans cette odyssée en Gaule (Franck Gastambide, Jérome Commandeur, Claude Perron,...) et la sculpturale Isabelle Youn-Funaro, qui n'est certes pas une grande comédienne mais ne fait pas semblant de l'être non plus tout en s'imposant comme un troisième rôle cohérent qui complète un sympathique trio.

Et la comédie dans tout ça ? J'y viens les copains ! Alors soyons honnètes, on rit un peu moins que dans Fatal qui dégainait 15 vannes à la minute et n'hésitait jamais à être sale et méchant. Le rire de Vive la France est ici plus doux, plus familial et plus populaire ce qui lui permet de se diluer gentiment dans une confortable structure de road-buddy-movie. Moins excessif, moins parodique, l'humour du film recèle tout de même de nombreux et bons gags et quelques pointes de mauvais goût et de fiel à l'attention de quelques régions bucoliques de notre hexagone. Nous ne sommes pas dans l'insipide et neuneu Bienvenue chez les Ch'tis, on croque ici à pleines dents dans les clichés, mais c'est tellement juste dans l'horrible portrait dressé de la Corse et de Marseille que ça fait franchement du bien ! La seconde partie du film, moins mordante, réussit le pari incroyable d'inverser la tendance en montrant la beauté de notre pays et de sa culture sans jamais tomber dans le chauvinisme cynique. Youn voulait faire une déclaration d'amour et d'humour à la France, c'est réussi et de jolie manière !

Enfin, et c'est sûrement la plus belle surprise de ce film, Michael Youn montre combien il n'est pas un feu de paille. Niveau scénario, l'histoire de Vive la France pourrait en montrer à beaucoup de monde tant sa structure est habilement construite et ne tombe jamais dans la facilité, empilant rebondissements gaguesques et péripéties vitaminées sans jamais lâcher les personnages et les enjeux. La dramaturgie épouse même parfois les codes du burlesque et du cartoon dans une hybridation charmante. Un réel travail d'écriture.

La peur de voir un sous-remake de Borat, elle, est aussitôt effacée car les films n'ont absolument rien à voir et Youn prend toujours soin de prendre ses distances. Ce n'est pas le même discours, ce n'est pas le même humour et surtout c'est bien mieux réalisé. On n'est pas dans Citizen Kane, d'accord, mais il faut reconnaitre que la mise en images est loin d'être dégueulasse, souvent inventive et soutenue par un montage dynamique. L'enchainement fluide des situations et la gestion impeccable du rythme font qu'on ne s'emmerde jamais et qu'on passe un excellent moment en compagnie de ces deux énergumènes. De la belle fabrication, ce qui dans ce pays n'est pas une maigre victoire !

Vive la France confirme donc une certaine santé de la comédie française (le sympathique Les Kaïras, l'attachant Les seigneurs) et tout le bien qu'on pense de Michael Youn au cinéma quand il est servi par nul autre que lui-même. Très différent de Fatal, plus accessible aussi ce second opus montre que l'ex-agité du bocal ne se repose pas sur ces petits lauriers et s'impose comme un des plus vaillants représentants du cinéma populaire français. Qui l'aurait cru ? Pas le film de l'année mais quand c'est drôle, bien foutu, intègre et sympathique, what else ?
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6
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le 26 févr. 2013

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Adrien Beltoise

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