Vivre et laisser mourir par Alligator
Nov 2009:
Cette première apparition de Moore dans la geste bondienne se révèle un brin timide. Pourtant Guy Hamilton, lui, récidive, connait d'ores et déjà les tenants et les aboutissants de la franchise. Comme quoi, ce qui fait Bond avant tout, c'est le comédien qui l'incarne. Encore très jeune mais déjà pas si svelte (ahhh, heureux temps où les héros musclés avaient encore le droit d'afficher des pectoraux normaux), Moore entre dans la série auréolé de ses succès télévisés -"Le saint" en tête- et par conséquent son adaptation va finalement être réussie mais force est de constater que son empreinte toute personnelle si elle ne tarde pas à laisser quelques traces ici n'en demeure pas moins encore peu aboutie, ni véritablement marquante. Effectivement, l'humour y est beaucoup plus présent qu'avec Connery et Lazenby mais Moore n'accompagne pas encore totalement cet humour. Plus tard, il serra souvent tout sourire, narquois, ironique. Dans cet épisode, il est encore trés grave, tire la tronche à bien des occasions, ce qui va se dissiper progressivement dans les films suivants.
Mais sans aucun doute ce qui limite encore plus les débordements d'enthousiasme, c'est la manque de punch du scénario et le malhabile mélange des genres.
Beaucoup de scènes trainent en longueur. Le montage trop descriptif ralentit considérablement l'action. Le film prend un peu de vitesse, forcément, lors de la poursuite dans le bayou, magnifiquement filmée. Les paysages accompagnent avec bonheur les protagonistes. Malheureusement le chassé-croisé entre les hors-bords et le débonnaire et chiqueux shérif (joué par Clifton James) tourne à la farce un peu fatigante.
Entre le film fantastique, évoquant voyance et vaudou, le film d'espionnage traditionnel, le film de blaxploitation au slang propret et la comédie sudiste à la Cannonball, James Bond parait nager dans ces marais cadiens avec quelques difficultés. On a peine à retrouver l'essence de la série, sa mythologie quand Q n'est pas là. La tentative de renouveller la série en l'accommodant du style flegmatique et pince-sans-rire de Roger Moore n'est pas encore tout à fait au point.
Beaucoup applaudissent à la prestation de Yaphet Kotto. Certes, le comédien joue correctement mais le pauvre a hérité d'un personnage un brin misérable, qui manque de la démesure et la folie de ses devanciers. Il ne s'agit au fond que d'un trafiquant de drogue, superstitieux, qui rate imbécilement maintes occasions de se débarrasser de James Bond.