VOIR DU PAYS (12,9) (Delphine Coulin/Muriel Coulin, FRA, 2016, 102min)
Ce drame psychologique assez réussi nous plonge au cœur dans « la grande muette » avec une section militaire revenue de la guerre en Afghanistan devant séjourner trois jours dans un hôtel de luxe chypriote avant de retrouver la France afin de débriefer et d’évacuer certains stress et blessures post-traumatiques. Les sœurs Coulin reviennent après « 17 filles » en 2011 pour à nouveau s’interroger sur la condition de la femme dans notre société. Cette fois elle s’inspire du roman « Voir du pays » écrite justement par Delphine Coulin et paru en 2013 pour aborder l’armée de façon originale en traitant le sujet des « sas de décompression » de façon assez pertinente en mélangeant les uniformes treillis avec les vacanciers en goguettes qui se délassent dans un hôtel cinq étoiles. D’entrée la mise en scène nous oppresse et nous fait sentir l’enfermement malgré le décor paradisiaque empli de bleu tout autour de ces militaires en transit. D’une manière trop scolaire les réalisatrices nous démontrent concrètement par le biais des séances de réalités virtuelles comment chaque militaire débriefe certains faits qui les ont traumatisés pour évacuer leurs blessures, et la guerre interne que cela engendre. Ce processus quasi documentaire revient (trop ?) régulièrement pendant la déclinaison de l’intrigue, permet de découvrir chaque faille des protagonistes et instaure judicieusement le constat de malaise et ausculte avec acuité la place des deux héroïnes dans ce monde sexiste. Le mécanisme narratif est assez simple, d’une bonne fluidité et malgré quelques travers grossiers sur les comportements masculins, quelques gros clichés et certaines redondances (scènes festives entre autres…), ce long métrage ne cesse d’avoir une tension constante pertinente et nous interroge chacun d’entre nous sur notre rapport à la violence. Cette fiction trouve son ampleur et son atout majeur dans le portrait du duo féminin souvent réduit à leur simple condition de femme (donc souvent inférieur à l’homme dans ce milieu professionnel…). Ces deux trouffions Aurore et Martine interprétés avec conviction par Ariane Labed (Fidélio, l’odyssée d’Alice) à la fois forte et fragile et l’intense Soko à la violence sourde, sauvage et prête à exploser, bien aidés par un casting très cohérent. Découvrez l’envers du décor, l’enfermement physique et la dureté psychologique de « Voir du Pays ». Edifiant, sensoriel et intéressant.