Avant "Voyage à Tokyo" je n’avais jamais vu un film d’Ozu et à part quelques films, comme "L’Empire des sens", je n’ai d’ailleurs quasiment aucune référence question cinéma japonais. J’ai donc été plutôt surprise, dans un premier temps, de retrouver un univers qui ne m’était pas totalement inconnu, celui de la comédie américaine.
Mais très vite quelque chose est venu s'ajouter à cette première impression : la lenteur avec laquelle le cinéaste capture la banalité du quotidien. Parce qu’ici tout va au rythme des deux protagonistes principaux : à petits pas.
Une caméra immobile, placée souvent au ras du sol, devant laquelle les personnages vont et viennent, disparaissent parfois pour ne plus laisser la place qu’au décor de la pièce, une succession de longs plans fixes en guise de récit. Même les silences semblaient en dire plus long que les mots.
Je ne me suis pourtant jamais ennuyée pendant plus de deux heures, sans doute subjuguée par l’esthétique des images en noir et blanc et des cadrages conçus comme des tableaux suspendus dans le temps. Des rails des voies ferrées aux hautes cheminées d’usines en passant (ou en s’opposant plutôt) aux panneaux japonais qui habillent les fenêtres, il faut dire que j'ai rarement vu un film jouant autant avec les lignes.
Mais surtout, au-delà de l’histoire plutôt ordinaire de ce couple de grands-parents qui va rendre visite à ses enfants et petits-enfants installés à la grande ville, au-delà de l’allégorie d’un Japon d’après-guerre qui bascule vers la modernité, c’est bien peut-être autre chose qui est donné à voir : le temps qui passe.
"Si j’avais su", finira par dire sans colère ni tristesse le vieux Shukishi à sa voisine au terme de ce voyage qui finira, presque, comme il a commencé. Alors le temps particulier, le temps de "l’autre" devient aussi le temps de chacun, le temps de vivre et de mourir.