Voyage au bout de l'enfer par Anna_M
De Niro et Walken dans un duo au sommet... Si j'ai pas mal de choses à reprocher à la mise en scène du film, les prestations magistrales des acteurs ont réussi à gommer en partie mes réticences. Bon parlons tout de suite de ce qui m'a dérangée : les longueurs ! Je trouve les temps réservés à chaque partie du scénario assez bien répartis, mais si la répartition est bonne, les temps effectifs sont trop longs. Il faut quand même attendre plus d'une heure pour arriver au Vietnam. Et on n'y reste que 40 minutes. C'est dommage car cette partie du film est mieux rythmée que la précédente, et marque incontestablement les esprits. Avec une scène du mariage moins longue, et des scènes intermédiaires racourcies aussi, le film aurait gagné en fluidité. Je sais bien que la première heure est là pour nous montrer la "vie avant le Vietnam", tout en nous présentant les personnages et les enjeux qui les sous-tendent (le triangle amoureux entre Mike, Linda et Nick et l'espèce d'amitié-rivalité qui unit les deux hommes). Mais je pense que cela aurait pu être fait tout aussi efficacement en un temps plus restreint. Venons-en à la partie sur le Vietnam... Ce passage c'est l'occasion pour le duo De Niro-Walken (et John Savage mais il est plus effacé) de montrer ce qu'ils ont sous le capot, et je peux vous dire qu'il y en a. La scène de la roulette russe dans le camp Viet-Cong est superbe, pleine de tension et à l'atmosphère très lourde, c'est la première scène qui a vraiment retenu mon attention. Les acteurs sont à l'apogée de leur talent dans cette scène qui joue sur la résistance mentale et la hargne, où leur jeu, pour être crédible, doit être parfaitement dosé. Pari réussi. Et globalement, ce sont les 40 minutes vietnamiennes toute entières qui tiennent en haleine... Puis vient le moment du retour de Mike, érigé en nouveau héro de Clairton. Là je ne peux que saluer Cimino d'avoir fait durer cette partie une heure. C'est une heure essentielle au film, une heure hyper humaine. On assiste à la réinsertion de Mike, et on partage avec lui l'immense solitude qui l'envahit. On ressent sans pour autant que cela ne soit vraiment explicité l'incroyable décalage qui existe tout un coup entre le vétéran et sa vie d'avant. Une scène surtout m'a profondément touchée, c'est celle où Linda emmène Mike au supermarché, et où tout le monde l'embrasse sur le chemin. La musique de Stanley Myers accompagne avec une finesse incroyable ce passage très mélancolique. L'isolement de Mike transcende l'écran, on le partage avec lui. Toute la dernière partie du film est assez difficile. Il n'y a pas tellement "une" ou "des" scènes qui marquent dans cette partie, mais c'est une ambiance... On vit l'incommunicabilité qui sépare ceux qui ont vécu des choses horribles, qui ont regardé la mort dans les yeux (ici les vétérans, mais c'est commun à toutes les guerres), et leur vie d'avant où tout semble tellement immuable et inchangé. Et c'est en cela que je comprends pourquoi le film est tant aimé, il explique le phénomène des vétérans aigris et solitaire, qui ont du mal à se ré adapter à un monde dont ils se sentent coupés. Ce sentiment d'incompréhension, ce dégoût de la futilité est très bien montré à plusieurs moments (comme dans la -bouleversante- scène où Mike se retrouve incapable de tuer le cerf et force Stan à jouer à la roulette Russe). TOUT nous renvoie à la solitude. Mike revient, il n'attend qu'une chose, revoir Linda, qui elle ne le considère que comme une sorte de "Nick par procuration". On a ce sentiment terrible quand elle le regarde (et c'est là où Meryl Streep est douée ici) qu'il n'est que le substitut de celui qu'elle attendait. Et on est aussi bouleversé de voir que, même si à aucun moment le personnage de Mike ne parle de cette situation, il semble pourtant en être terriblement conscient. De Niro est magnifique dans cette partie, c'est un jeu très différent de celui du Vietnam, mais très complexe même s'il est moins physique. L'épisode des retrouvailles entre Mike et Nick, amis "à la vie à la mort", est incroyablement troublant aussi. L'impassibilité du jeu de Walken est suprenante, et la confrontation entre les deux amis noue la gorge... La première fois que j'ai vu le film, j'ai trouvé la fin gênante, trouvant qu'elle renvoyait une certaine hypocrisie (tourner la page en chantant un chant patriotique alors que tous ont été ravagés par cette guerre absurde). Je continue de voir en cette scène une ironie du sort terrible, mais j'y vois moins de patriotisme qu'avant, j'ai compris certaines choses à propos de ce passage. Voilà, alors les longueurs m'ont gênée, tout comme la mise en scène souvent assez lisse (rattrapée par une beauté incroyable des décors), mais finalement je trouve ce film incroyablement original en ce qu'il insiste plus sur "l'avant-après" que sur l'atrocité de la guerre en elle-même. On pourrait y voir un préambule (postérieur) à Taxi driver d'ailleurs...