M’est avis que la personne qui a « traduit » le titre original pour la version française a vécu ce film comme je l’ai vécu : comme une interminable agonie.


Pour celles et ceux qui s’attendent à un film de guerre du genre d’Apocalypse Now ou d’Il faut sauver le soldat Ryan, vous risquez d’être fortement déçu. Cette œuvre aborde le sujet de la guerre du Viêtnam, non pas comment elle a été vécue pendant, mais comment elle a été vécue avant et après. Les séquences « sur place » sont finalement assez peu présentes et tombent même comme un cheveu sur la soupe.


Histoire de vous faire une idée un peu plus nette de Voyage au bout de l’enfer, sachez que sur les trois heures que durent le film, il y a globalement une heure et demie d’avant, une demi-heure de pendant et une heure d’après. Je n’ai pas chronométré réellement la durée de chaque phase, mais c’est comme ça que je les ai ressenties. En plus, la phase Viêtnam m’a un peu laissé sur ma faim, pas spécialement parce qu’il n’y a qu’une explosion et deux-trois coups de feu d’échangés, mais plutôt parce qu’on passe du coq à l’âne en un rien de temps ; ce qui est paradoxal après la longue étape subie au préalable.


Parce que Voyage au bout de l’enfer raconte l’histoire de trois ouvriers qui se retrouvent engagés pour la guerre du Viêtnam et dont on découvre la façon dont ils vont vivre cet épisode traumatisant de leur vie. Le premier, d’une nature plutôt angoissé, Steven (John Savage), se marie la veille de son départ avec une femme qui attend l’enfant d’un autre. Le second, Michael (Robert de Niro), stoïque, la tête sur les épaules, en pince pour la belle Linda (Meryl Streep), sans oser lui dire. Le troisième, Nick (Christopher Walken), témoin de Steven et poète à ses heures perdues, est plus ou moins en couple officiel avec Linda. Les trois hommes travaillent dans la même usine de sidérurgie avec d’autres collègues (Stan, Axel et un autre dont j’ai totalement zappé le nom) qui, eux, restent au pays.


Le film ouvre donc sur la sortie de l’usine et sur ce mariage qui se prépare. Mariage auquel le spectateur va assister en long, en large et en travers, notamment parce que c’est lors de ce passage que l’on découvre plus ou moins les liens entre les personnages. Certains diront que c’est le moment le plus important du film. Perso, je l’ai trouvé intéressant plus pour le déroulement de la cérémonie en elle-même plutôt que pour le développement des protagonistes. C’est bien simple, ça n’en finit pas et les indices sur les personnalités de chacun sont disséminés avec des intervalles de temps tellement grands qu’on a le temps de s’endormir entre deux. La partie de chasse qui s’en suit (et qui donne son titre original au film) est mieux gérée de ce point de vue là.


Ensuite, (attention, ça spoile !)


le spectateur se prend une méchante ellipse dans la pomme avant de tomber sur une scène où on découvre Michael étendu dans la pelouse au milieu des cochons, à deux pas d’un soldat vietnamien qui ne trouve rien de mieux à faire que de balancer une grenade dans un abri souterrain où étaient regroupés des réfugiés (et qui s’en retourne en sifflotant presque). Bien sûr, Michael, en grand héros patriote, décide de passer le malandrin au crache-flammes au moment où Nick et Steven refont leur apparition, surpris de retrouver leur compagnon (oui, parce qu’ils avaient été séparés vous comprenez… l’évidence même !). Et là, bim ! Deuxième ellipse of doom où le trio et d’autres gars se retrouvent prisonniers de l’ennemi et condamnés à jouer à la roulette russe pour le plus grand amusement de leurs geôliers.


Nick est en panique, Steven n’en mène pas large et Michael reste calme (Mick la tête froide, on l’appelle). Ce dernier va d’ailleurs utiliser ce « jeu » à son avantage en réclamant trois balles au lieu d’une seule et en demandant à être l’adversaire de Nick, alors que Steven s’est fait mettre au trou (à la flotte en fait, dans une cage immergée dont le toit est au ras de l’eau). Le plan marche comme sur des roulettes puisque le grand méchant a eu l’excellente idée de mettre les trois balles l’une à la suite de l’autre. Et voilà nos trois héros dérivant au fil de l’eau jusqu’au passage d’un hélicoptère où Nick parvient à monter, mais pas les deux autres. Steven se pète la jambe au passage et doit donc être transporté sur le dos de Michael avant d’être déposé comme un sac à patates sur le capot d’une jeep militaire.


A partir de là, les trois sont séparés et le spectateur va avoir le droit à une multitude d’ellipses dans la face. On retrouve Nick à l’hosto qui a perdu la mémoire (ce pour quoi les médecins décident de le relâcher dans la nature… normal). Michael est propre comme un sous neuf et assiste à des paris clandestins de roulette russe (pourquoi ?). Et puis Steven, on ne le revoit plus avant qu’il ne réapparaisse dans un hôpital pour vétérans américain. FIN DU SPOIL


Le retour sur le sol étoilé est assez mou du genou au final, de Niro restant stoïque du début à la fin. On sent qu’il est largué parce que les conversations qu’il entame ne s’éternisent pas des masses, mais il aurait pu revenir d’un long voyage, le résultat aurait été le même. Il s’énerve un peu quand on braque des gens pour rire, mais il dort paisiblement, ne sursaute pas à chaque claquement de portière, continue à chasser le cerf (ou presque), fait du gringue à Linda sans en avoir l’air, etc. Ce qui est un peu dommageable dans le sens où c’est lui qui est principalement filmé dans cette troisième partie.


Bref, en visionnant ce film, j’ai eu un peu l’impression que le réalisateur avait tout donné dans l’introduction des personnages sans savoir quoi en faire ensuite. Il a voulu parler de la guerre du Viêtnam sans savoir comment l’illustrer autrement que dans une scène de torture pas forcément plausible (les soldats vietnamiens ont-ils vraiment utilisé cette méthode pour torturer leurs homologues américains – sans but en plus, puisqu’ils ne cherchent pas d’information, juste de quoi passer le temps ?). Et puis, il souhaitait aussi parler du retour des troupes, mais en coupant court puisque son film faisait déjà deux heures. Le genre de gars à qui on demande de faire une intro de cinq lignes, qui pond dix pages, mais qui ne sait pas comment enchaîner. Or, pour écrire une histoire, il faut, avant démarrage de tout projet, avoir en tête le début, le milieu et la fin. Un début d’idée ne suffit pas. Et puis un début d’idée qui dure trois heures, ça devient vite pénible.


Désolée pour celles et ceux qui encensent le film, mais je l’ai trouvé mal construit, pas toujours très crédible et inutilement long.

NicodemusLily
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le 11 sept. 2015

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