De l’infiniment petit à l’infiniment grand à travers les âges. C’est ainsi que Terrence Malick nous convie à son documentaire expérimental où il peut librement s’exprimer sur l’origine de la vie et de l’univers, à travers la Terre et l’espace. Un voyage magnifique devant lequel on ne peut rester indifférent.


The Tree of Life avait déjà donné un léger aperçu de ce qu’était l’univers, de son origine à l’autorité d’un père tout-puissant sur ses fils, en passant par l’ère jurassique. A croire que Terrence Malick n’en avait pas fini avec la séquence – déjà controversée – des dinosaures et les digressions sur la métamorphose de l’univers. C’est comme s’il signait le spin-off et la version longue de cette séquence où il peut enfin laisser libre cours à son art pour nous livrer une succession de plans d’environnements plus somptueux les uns que les autres. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un voyage dans le temps où la caméra n’est jamais figée mais effectue toujours de légers mouvements. A la fois immobile et continue, l’action suit le même rythme que le temps qui passe. Tour-à-tour, l’œil est foudroyé par une beauté indéniable et une puissance émotionnelle remarquable. Ces visions s’avèrent tellement stupéfiantes que l’on s’étonne de pouvoir filmer la nature d’aussi près et avec autant de précision. Plus encore que les prises de vues majestueuses, Terrence Malick nous emmène du plus profond de l’univers au plus près de nous, notamment lorsqu’il laisse des témoignages vidéos bruts capter la misère régnante des quartiers à Los Angeles aux abris de fortune du Tiers-Monde. De ces images découlent l’intérêt fort que Terrence Malick témoigne pour l’espèce humaine à travers l’univers. A l’instar des documentaires de Ron Fricke (Baraka, Samsara), Terrence Malick évoque ainsi les rapports entre l’homme et le temps en s’émancipant des contraintes de la fiction pour écrire à sa manière un poème visuel inédit, grandiose quoiqu’un peu pompeux.


Car dans toute cette ode à la Nature, quelques points noirs récurrents de sa filmographie persistent. Si les films de Ron Fricke se démarquent par leur assumé silence, Terrence Malick laisse toujours une voix-off guider le spectateur dans cet océan de mysticisme. Ici, la narration est commentée par la voix angélique de Cate Blanchett, qui s’adresse vraisemblablement au divin, l’interrogeant sur la matière même de ce qui nous entoure. C’est d’ailleurs ce qui alourdit le plus cette succession d’images épiques où le texte lyrique se trouve à la frontière entre la poésie méditative et la lourdeur d’un discours pompeux pro-catholique. On restera également perplexe devant l’arrivée des humains dont l’aspect fiction (et kitsch) se fait malheureusement bien trop ressentir face à la subtilité réaliste de ce qui avait été capté jusque-là. Et si la séquence des dinosaures de The Tree of Life vous avait déconcertée, celles de Voyage of Time vous feront le même effet tant les reconstitutions en CGI donnent le sentiment d’un passage obligé mais mal abordé. Au fond, c’est aussi ça Terrence Malick, jongler entre l’inouï et l’ennui.



Que l’on aime ou pas Voyage of Time, Terrence Malick est de ces cinéastes qui ne laissent jamais insensibles.



Terrence Malick est l’un des rares à nous laisser autant perplexe. Soit on se retrouve devant l’un des plus beaux et plus existentiels films de l’histoire du documentaire, soit devant l’un des nanars New Age les plus coûteux qui ait jamais existé. La stratégie de distribution du film proposée par Mars Films montre bien que Terrence Malick reste l’un des gourous du cercle cinéphile hexagonal. Avec ce dispositif d’une séance unique, les salles de Voyage of Time ont crée l’événement et attirer les foules (20462 spectateurs sur 235 copies pour la seule séance du soir). Preuve s’il en fallait que le cinéaste continue d’intriguer des cinéphiles de niche, qu’ils soient ses adorateurs ou ses détracteurs. Ce qu’il faut retenir au final de Voyage of Time, c’est que Terrence Malick est et reste néanmoins l’un des artistes les plus singuliers du XXème et du XXIème siècle. Voyage of Time est une œuvre incomparable et un incontournable dans la filmographie du réalisateur texan. Pour ceux qui ont loupé cette unique séance, une version Imax de 40 minutes supplémentaires, et commentée par Brad Pitt, sera distribuée plus tard dans l’année.


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le 6 mai 2017

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Kévin List

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