Voyage of Time - Au fil de la vie par Filmosaure

Terrence Malick nous offre un voyage éblouissant à travers le temps et l’espace, du néant à la profusion, de la magnificence de la nature à la laideur de l’humanité. Mais, comme trop souvent depuis une décennie, des choix esthétiques remarquables se voient gâchés par les petites manies du cinéaste qui commencent à peser lourd sur sa filmographie.


La caméra malickienne embrasse les merveilles de notre planète en une symphonie visuelle. Confus, nous pensons commencer sur une naissance, mais ce n’est pas forcément celle à laquelle on pense : un parallèle s’opère entre la naissance de la Vie et celle de l’univers. Nous réalisons que Voyage of Time est un documentaire non sur l’humain, mais sur la terre qui l’abrite avant tout. Comme pour faire honneur à sa richesse, les séquences sur notre planète consistent en une somptueuse balade en haute définition qui met au tapis la plupart des documentaires. Les plans aériens virent parfois au Yann Arthus-Bertrand et consorts, mais dès que Terrence Malick filme le vivant (la valse des méduses…) ou le mobile (dont une inoubliable séquence sur l’activité volcanique), il fascine autant qu’il ébahit. On ne peut qu’imaginer la splendeur de l’expérience en IMAX.


Voyage of Time est entrecoupé de scènes en cadre rapproché, presque claustrophobes, sur l’humain, en un parti-pris moite, tantôt cruel, tantôt affectueux. Un traité volontairement cheap et de mauvaise qualité fait ressortir la proximité avec cette humanité imparfaite, mais agace plus qu’il émeut. Le contraste attriste : Malick obtient-il vraiment l’effet escompté ? En tout cas, la Terre nourricière et abrite l’humain comme une finalité. Mais que faire de cette finalité ? Ce questionnement est au cœur de l’œuvre.


Terrence Malick ne peut s’empêcher d’ajouter une insupportable voix narratrice décousue à toute sa filmographie récente. Cate Blanchett récite sa litanie métaphysique en filigrane, égrainant les suppliques à une entité nourricière appelée “Mère”, entretenant l’ambiguïté entre l’hommage à la Terre et une autre signification bien plus religieuse. Elle part parfois dans des propos nébuleux, et ses questionnements espacés ne suffisent plus à créer un fil rouge valable. Nous repensons à The Tree of Life, qui avait déjà posé tout ceci de manière plus complète, et A la merveille, qui poussait le processus à outrance. Nous avons l’impression de regarder un beau documentaire mais plus qu’autre chose nous préférerions presque l’apprécier en tant que tel plutôt que de subir le sous-texte de l’auteur.


Certaines scènes laissent également perplexe : des sauriens au réalisme moyen précéderont un groupe de néandertaliens au torse épilé et aux jambes lisses. Malick ne gère décidément pas l’évolution avec subtilité, dès lors qu’elle part dans la représentation du vivant passé, comme s’il refuser d’accorder autant de crédibilité aux représentants de l’évolution qu’au reste.


Mais malgré ses défauts, Voyage of Time reste une épopée visuelle sur la magnificence de notre planète. Un joli documentaire qui se finit avec émotion et vaut le détour ne serait-ce que pour l’œil de Terrence Malick qui n’a de cesse de vouer un amour inconditionnel à la Vie.

Filmosaure
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le 9 août 2017

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