Travail de quarante années de captations et de recherches, Voyage of Time est présenté comme le premier documentaire du réalisateur américain : une définition qui permet d’explorer l’imperceptible lisière de la fiction. A travers son expédition aux confins des origines du monde et de la vie, Terrence Malick nous fait encore une fois, et subtilement, perdre nos repères, nos références entre l’immense et le microscopique, le minéral, l’animal ou le végétal… Car tout bouge, tout vit et tout avance vers la suite. C’est une « éternelle naissance » qui nous est proposée. Cependant, le créateur n’arrive jamais, ne répond pas. Cet univers sublime au sens romantique du terme, effrayant par sa grandeur, est également redoutable et fascinant par sa capacité à s’auto-créer.


A la fois, créatrice et création, la Nature sidère toujours. Elle est d’autant plus étonnante que les nouvelles techniques de captation, le numérique, les drones, les effets spéciaux, permettent au réalisateur (qui a également utilisé de nombreuses images de National Geographic et de Jacques Perrin [wink wink], en outre coproducteurs du film) de nous guider là où nos pas ne peuvent nous mener : cratères, pays de lave, de pierre ou de glace, nébuleuses, systèmes solaires… Nombreuses sont aussi les aventures dans l’infime, le corps humain à nouveau exploré et aussi profond que le cosmos.


La cosmographie du réalisateur devient, grâce à la voix de Cate Blanchett, à son parcours, sa quête identitaire et originelle, très intime. L’éternelle question qui fait de nous des Hommes, à nouveau posée à cette nature créatrice qui recèle tous les secrets, l’humanise, humblement, comme si cette approche par la maternité était pour nous la seule manière de comprendre et d’appréhender l’univers qui nous entoure.


Parmi cet univers, les Hommes ont une place particulière, à égalité avec les autres éléments de la nature. Ils sont la multitude, disparaissent individuellement mais prennent leur sens ensemble. Leur beauté est dans leur interaction. Un regard, un rire, des croyances, tout cela nous rassemble, à deux ou toute une civilisation. Alors que les précédents films de Terrence Malick, et plus particulièrement Knight of Cups, touchaient par la solitude de leurs personnages, leur mal profond à communiquer, à trouver leur place, c’est ici l’instinct de communauté de l’Homme qui est mis en lumière.


On retrouve les moments sacrés de la tranquillité familiale d’un pavillon, de nos enfants, ou au contraire la perte de sens d’une vie déshumanisée dans la cité des anges miséreux. Mais on découvre aussi, à travers des images d’une beauté et d’une fragilité surprenantes, l’humanité qui fourmille en apparence mais qui révèle la sérénité d’une procession. Ces séquences, tournées en numérique bon marché, au téléphone portable ou en DV, sont quasiment anonymes, bien que leurs auteurs soient cités au générique, glanées par Malick sur internet pour l’étonnante fidélité à son regard. Un regard qui devient alors universel, commun.


Aux questions existentielles que se pose (ou nous pose) Cate Blanchett, dont uniquement les réponses nous autorisent à vivre, seule la contemplation de la nature et des hommes peut y répondre. Et s’il faut concentrer son attention et offrir son cœur aux images, aux sentiments et au film de Terrence Malick, il est davantage nécessaire de s’ouvrir aux autres afin de se livrer et naître à la vie.


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le 7 mai 2017

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EugénieF

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