WEI or DIE
6.1
WEI or DIE

Film de Simon Bouisson (2015)

Tentative de narration intéressante, mais (...)

Ce format de narration en plusieurs lignes simultanées ("time-line"), offrant plusieurs points de vue et scènes en même temps est intéressant. En tout cas prometteur. Car, ici, il montre qu'il est difficile à manier. De plus, il est clairement sous exploité.


Avant d'attaquer le format de narration, commençons par le scénario du film.
L'idée de dénoncer les week-ends d'intégration (WEI), ces cérémonies d'embrigadement des élèves de première année dans les grandes écoles de la Nation (main sur le cœur) n'est pas mauvaise. (Car oui, les écoles de co' feraient partie des "grandes écoles" selon elles...). Le film brosse en gros trois types de personnages dans ce Club Med version Projet X : les GO sadiques (plus O que G donc), les GM complices, en moutons de Panurge, et quelques GM rebelles. Comme le film commence sur la mort d'un participant retrouvé mort noyé à la fin du WEI, en bon voyeur, le spectateur s'attend à voir des abus des GO sur les GM qui vont mal finir.
A cet égard, le film aborde rapidement les dérives du système de bizutage et les conséquences du petit pouvoir que peuvent avoir certains (beaucoup) sur leurs congénères, dont le défaut se résume dans le cas présent à avoir intégrer l'école en question un an plus tard qu'eux. Le schéma sadique renouvelé : "Tu es un première année, je suis un deuxième. On m'en a fait chier en première année, à toi d'en chier. Tu te vengeras sur les futurs premières années." etc. Ça marche aussi avec les parents violents et leurs progénitures, tiens. Bref.
Mais en fait, le film consacre davantage de temps de "time-line" à montrer de la débauche d'alcool et de drogue, des blagues potaches, que des véritables dérives de cet embrigadement traditionnel, qui sont vite abordées. D'ailleurs, petite anecdote, j'ai assisté à un mariage dans les lieux qui ont servis au tournage, et bien je peux vous dire qu'on s'est carrément moins marrés qu'eux apparemment ! Alors oui, on voit bien ça et là quelques abus qui viennent gâcher la fête.


Une fille apparemment pas très consentante se fait raser une partie des cheveux devant la foule. Le fils-à-papa, qui a vraisemblablement quelque chose à prouver et un prénom à se faire pour exister dans l'ombre du capitaine d'industrie paternel, finit par se faire graver sur la peau au cutter le nom de la société secrète de l'école qu'il essaie d'intégrer.


La simplicité de l'histoire nous laisse à penser que la victime noyée sera logiquement un GM rebelle à qui des GO zélés auront faire subir une épreuve de natation un peu trop poussée pour le briser, le vilain.


Hé bah non, raté ! Petit retournement de situation sympa, mais un peu binaire et moral, c'est le méchant GO zélé qui meurt, dans une sorte de baptême à l'envers. (Que d'eau dans cette histoire). Pan, le karma, tout ça. Là où ça ne tombe pas dans le cliché, et c'est ce qui sauve un peu ce retournement, c'est qu'il est tué par le plus moral des GM. Facile. Mais avec la complicité active ou passive des autres convives. Pas cool.


Voilà pour l'histoire, de ce Projet X tragique qui, si elle ne casse pas trois pattes à un canard, a le mérite de ne pas s'achever de manière trop convenue et moraliste.


Le format narratif.
Après une courte introduction, le spectateur se voit présenter une table de mixage avec différentes time-lines, qu'il a tout loisir de choisir, voire même de rejouer. L'oeuvre est découpée en plusieurs plages de temps sur une journée, en gros toutes les 3h. Le court-métrage fait 45 min au plus court, mais toutes time-lines cumulées il doit bien faire 2h. (Je n'ai pas compté). Certaines time-lines sont des plans séquences de quelques minutes. Les passages d'euphorie collective sont eux montés, pour leur donner plus de rythme sans doute.
Le spectateur commence à passer d'une caméra à l'autre, d'une scénette à l'autre, d'un rembobinage à l'autre. On se dit que selon les points de vue, on va assister à quelque chose qu'un autre point de vue ne va pas forcément nous montrer. Alors, on regarde tous les plans proposés. Mais en fait non, rien d'essentiel ne nous a échappé. Cela dit, je n'ai pas essayé de regarder uniquement la ligne principale, qui nous fait basculer automatiquement de la fin d'une ligne au début d'une autre, mais je suppose que si le spectateur manque une scène, il ne manque en fait rien de l'histoire.
Au début, on voit bien une scène d'altercation filmée de deux angles différents, où justement un angle ne montre qu'une partie des protagonistes et donc les raisons de l'altercation. Sauf que ça n'apporte rien à l'intrigue, un rappel étant fait plus tard. Bref, cette multitude de points de vue n'est pas vraiment exploitée pour le développement de l'intrigue. L'intrigue principale étant montrée automatiquement. Le réalisateur semble avoir privilégié l'interactivité avec le spectateur, qui s'improvise monteur de l'histoire qu'il regarde, mais il regardera toujours la même histoire qu'il comprendra toujours de la même manière. C'est un peu feignant comme procédé finalement. "Tiens je te file mes rushes pré-montés d'une histoire, finis-le montage à ta guise et regarde-là comme tu le chantes". Bon j'exagère, car je m'attendais à plus de développement du procédé. Mais rajouter un degré d'interaction où le spectateur doit retrouver des indices dans le temps et l'espace pour comprendre l'intrigue aurait sans doute été casse-gueule, et aurait davantage relever du jeu vidéo d'enquête que de l'oeuvre cinématographique.


Bon, concluons ma prose. Le format a du potentiel. Le réalisateur s'est risqué à le proposer. En France, prendre des risques, c'est déjà pas mal.

walda
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le 28 oct. 2016

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walda

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