Suffisamment parodique pour apporter une distance salvatrice, sans verser toutefois dans la farce
Adapté du roman éponyme (Vivants dans sa version française) d'Isaac Marion, Warm Bodies n'indiquait pas forcément aux yeux du préposé docteur une bienveillance certaine. Le mélange entre le fantastique et une romance adolescente ayant fourni au gré de la décennie passée le nadir de la création artistique, les doutes, ou tout du moins une méfiance légitime, pouvaient sembler justifier à la découverte d'un tel projet. Enfin, remplacer des vampires mormons par des zombies au grand coeur, à l'heure où le mort-vivant est devenu à la mode en envahissant la télévision étatsunienne, finissait d'anéantir les quelques morceaux d'indulgence restants. Oui, mais...
Suite à une apocalypse ayant pris la forme d'un virus mortifère, la quasi totalité de la population mondiale a été transformée en zombie. Un groupe de survivants vit tant bien que mal derrière des fortifications de fortune, sous la tutelle autoritaire du chef militaire Grigio (John Malkovich). Entourés de ces cadavres affamés de chair fraîche et de savoureux cerveaux (mais n'allons pas trop vite), les rescapés doivent néanmoins quitter leur forteresse quand le besoin en produits de premières nécessités se fait sentir. A cette occasion, Julie (Teresa Palmer), fille de Grigio, accompagnée d'autres jeunes compagnons, dont son petit-ami Perry (Dave Franco), sortent afin de récupérer des médicaments. Lors de cette expédition, les adolescents se font attaquer par une horde de zombies dont fait partie un dénommé "R" (Nicholas Hoult). Or ce mort-vivant est différent de ces congénères. Capable de réflexion, voire même de prononcer quelques borborygmes faisant office de mots, "R" n'en demeure pas moins être un amateur de cervelles, comme celle de Perry, qu'il s'empresse de dévorer lors de sa rencontre avec l'escouade de Julie. Tombé mystérieusement sous le charme de la jeune femme, "R" la protège de ses semblables zombies lors de l'attaque, et décide de la garder en sécurité dans l'avion abandonné lui servant de refuge. Peu à peu, "R" se métamorphose à ses côtés, retrouvant une part de son humanité perdue...
Dans la lignée d'un Shaun of the Dead adolescent, ce film de genre atypique de Jonathan Levine (All the Boys Love Mandy Lane, 50/50) reprend le concept rare de la comédie romantique avec des zombies. Plusieurs clins d'oeil viennent ainsi se greffer dont le plus évident : Roméo et Juliette, à l'instar du nom des deux personnages (R et Julie), l'antagonisme des deux communautés, et la célèbre scène du balcon en sus. Cependant, Levine évite le piège des références trop appuyées ou son inverse, soit une dilution anémiée du classique de Shakespeare qui évoquerait le nauséeux et niaiseux Twilight. Au contraire, le récit apporte quelques aspects (réellement) novateurs, et offre de nouvelles perspectives à la culture zombie, dans la continuité de Land of Dead (Le territoire des morts) de George Romero ou d'I, Zombie : The Chronicles of Pain du britannique Andrew Parkinson.
Au delà d'une forme primitive d'intelligence et de sa faim insatiable, le mort-vivant, et en particulier le personnage de R, se caractérise cette fois-ci par un besoin « vital » de retrouver sa mémoire, se rattachant à des objets d'une vie passée ou à son goût pour la musique (en vinyle svp, le zombie est certes mort, mais pas sourd). Conscient de son état de délabrement physique mais prisonnier de ses pulsions cannibales, le zombie, en se nourrissant de cerveaux, a dès lors accès aux souvenirs de sa victime, et peut retrouver, l'espace d'un instant, le souvenir d'une humanité perdue. Or ce sentiment d'avoir été vivant joue un rôle primordiale. Et gare à l'imprudent qui voudrait s'en libérer, il deviendrait alors un bonie, ou l'ultime stade de l'évolution zombie, squelette véloce (?!) carnassier sans conscience.
Suffisamment parodique pour apporter une distance salvatrice, sans verser toutefois dans la farce (ce qui pourrait a contrario passer pour un défaut rédhibitoire pour les fans de Brain Dead), Warm Bodies de part sa mise en scène minimaliste et son absence de véritables scènes d'action (l'affrontement final est à ce propos très vite abrégé) n'est pas le film de zombies « qu'il ne prétendait pas être ». Plus teen movie romantique qu'une ode à la tripaille dégoulinante, le gore en est réduit à sa plus simple expression, le maquillage de nos amis d'outre-tombe les faisant d'ailleurs plus passer pour des amateurs de rock gothique que des cadavres ambulant en décomposition.
Hormis quelques incohérences, cette romance improbable (la demoiselle doit avoir les narines musclées pour supporter l'odeur putride de son ami zombie) s'avère être une bonne surprise dans son genre : agréable et divertissant. Ce dernier long métrage de Jonathan Levine, avec son casting solide : le jeune premier Nicholas Hoult (Jack the Giant Slayer), Teresa Palmer (Numéro quatre) (et un Malkovich cabotinant gentiment), mériterait d'être adapté pour le petit écran.
Note : 6,5/10