Sorti de manière très intime en France, Warrior semblait être sur le papier un de ces scénarios qui s’imprègnent du milieu du combat tout en injectant un semblant de conflit familial. N’est pas Martin Scorsese qui veut. Mais il serait simpliste de réduire ce film à ce standard. Warrior est un film de combat qui fait mal car il redonne ses lettres de noblesse à un genre oublié et permet d’asseoir la réputation de son réalisateur et de ses deux acteurs majeurs. Moins de deux cents copies en France pour ce film somme toute correcte, tout en ne révolutionnant pas véritablement le genre. Gavin O’Connor surprend par l’aspect intimiste et indépendant de son film porté par un duo d’acteurs tout bonnement impressionnant.
Dans le milieu depuis les années 1990, Gavin O’Connor se révèle aux américains avec le film Miracle (2004) et connaît une certaine célébrité internationale après la sortie en 2008 du film Le Prix de la Loyauté, un drame policier médiocre mais prometteur. En attendant son arrivée improvisée sur le film Jane Got a Gun, le réalisateur confirme avec Warrior son talent pour filmer les conditions déplorables de la crise américaine et l’impact des conflits familiaux sur les motivations de ses membres. A la manière de Darren Aronofsky qui faisait passer le flambeau de Winona Ryder à Natalie Portman dans Black Swan (2011), le réalisateur illustre ici cette transmission du flambeau des acteurs de l’ancienne gloire des années 1990 Nick Nolte aux nouvelles têtes montantes, Tom Hardy et Joel Edgerson.
Avec la sortie quelques mois plus tôt de Fighter de David O. Russel (2011) et The Wrestler de Darren Aronofsky (2009), le cinéma revient vers le film de combat mais d’une manière plus personnelle, avec son lot de tensions familiales et l’omniprésence de l’intime au-delà du combat. La victoire au combat est désormais plus importante qu’un simple trophée, les films illustrent désormais ces valeurs que sont la fierté, la famille, la dignité, la renaissance comme un achèvement pour les combattants. La gloire et l’argent laissent place à de véritables enjeux personnels et permettent de construire une véritable intrigue intéressante et poignante. Dans Warrior, deux frères ennemis décident de s’engager dans un tournoi, l’un pour prouver sa force, l’autre pour se sortir d’une situation financière déplorable. L’intrigue paraît simpliste mais permet d’illustrer les conséquences d’une crise sur les mentalités et la ville de Pittsburgh. Le film met ainsi en avant non pas le chemin vers la récompense, mais le combat d’une vie de deux frangins qui n’ont plus rien en commun.
Ces deux frères sont donc interprétés par un Tom Hardy qui confirme tout le bien qu’on pensait de lui depuis l’impressionnant Bronson (NWR, 2009). Un visage fracassé et une rage qui se lit sur sa gueule confère au personnage une véritable personnalité sans tomber dans le manichéisme du bon et mauvais frère. Joel Edgerton apporte un certain charme, accompagné de sa femme jouée par Jennifer Morrison dans cette réunion de combattants aux gueules impassibles. Nick Nolte cabotine cependant dans ce rôle de père alcoolique. Tout une galerie de têtes reconnus dans les seconds rôles viendront ponctuer le film.
Dès lors, la trame de l’intrigue se charge de suivre l’ascension personnelle de ces deux frangins jusqu’au combat anthologique. Gavin O’Connor sait comment mettre en avant ce désir de s’en sortir, il n’y a pas de jugements sur les intentions personnelles de chacun, ils veulent juste se sortir de cette crise et ce, pour une noble cause. Warrior tombe cependant dans un patriotisme exacerbé à certains moments et s’accorde avec les bonnes mœurs américaines concernant la famille. Il y a une véritable envie de plaire au plus grand nombre et cela se ressent sur le fond tant le film invoque le mépris sur certaines situations (le non-sacrifice, la retombée dans l’alcool, etc.). Mais le film s’en sort par une intensité savamment dosée grâce à ces combats impressionnants. La compétition est filmé de la même manière que celle retransmise à la télévision pour accentuer ce réalisme médiatique. Les combats eux sont filmées au corps avec une précision minutieuse et un sentiment d’immersion totale. Des matchs intenses et chargés d’émotions qui valent le coup et notamment cette finale intense avec une dernière séquence forte mais inachevée.
Warrior s’avère être un bon film dans le genre. Puissant, intense et brutal, Warrior va même jusqu’à pousser la réflexion sur les conséquences de la crise et les moyens moraux pour tenter d’échapper à cette condition insignifiante. C’est ce qui ajoute ce petit plus à ce film spectaculaire qui tend par moment au film indépendant. L’intrigue n’échappe pas aux bonnes mœurs américaines et certains clichés, mais il s’avère être une bonne alternative au Fighter de David O. Russel, encore plus intime mais moins impressionnant en ce qui concerne les combats. Avec ces combats qui semblent si réalistes, Warrior est un film fort dont il est difficile d’en sortir indemne.