Un film que je voulais voir depuis longtemps et dont le visionnage en ces temps d'actualité troublée s'avère une expérience étrange. En effet, We are four lions aborde avec un sérieux véritable cette drôle d'épopée jihadiste dont les participants ont pour acquis indiscuté qu'il faut mourir en martyr, sans jamais que l'on en développe les raisons. Le personnage principal, Omar, est même soutenu par sa femme et son fils qui lui remontent le moral lors des coups de blues sur fond de mélo digne des clichés du genre. A nous de partager leur objectif, ce qui n'est pas sans entrainer un certain malaise.
L'humour pince sans rire très british ne permet ainsi pas de réellement désamorcer cette dissonance émotionnelle chez le spectateur qui ne sait pas trop sur quel pied danser car contrairement à la comm' française de l'affiche, non, on n'est jamais vraiment "explosé de rire". On s'amuse bien entendu du décalage entre les intentions des terroristes et leur amateurisme renforcé par leur totale imprégnation dans la culture occidentale (les séquences de réalisation des vidéos de revendications, avec des répliques miniatures d'arme ou les freestyles de rap), le script sait utiliser la bêtise des 2 personnages les plus attardés (la scène où l'un d'eux décrit comment il achète des bouteilles de javel en changeant de voix pour ne pas être reconnu ou le moment le plus slapstick avec le lance-roquette) mais c'est plutôt dans l'absurdité des situation poussées dans leur retranchement qu'il faut allez trouver l'humour de We are four lions (les discussions pseudo-théoriques entre eux).
Et finalement, c'est cette absurdité qui est la plus pertinente pour traiter du sujet car elle permet de toucher du doigt la profonde absurdité même du concept de la démarche kamikaze. Comment les acteurs du terrorisme de terrain sont eux-mêmes désorientés vis-à-vis de leur cause dont ils ne maitrisent pas le sens (Omar est totalement inséré, ne semble pas particulièrement connaitre la culture islamique et se fout régulièrement de la gueule de son frère dont il raille le fondamentalisme intellectuel et misogyne ! Quand à l'autre leader, Barry, qui n'est même pas d'origine étrangère, il se contente de balancer quelques expressions arabes toutes faites et n'a comme seule idée que de dynamiter la mosquée pour "radicaliser les modérés"), voire pressentent que cette démarche est mal mais s'appuient sur le groupe pour en tenir à distance l'idée. L'absurdité se retrouvera également dans le résultat pathétique de leur action terroriste, pleinement réalisée par Omar dans ses derniers instants. Le groupe ressemble au final à une bande de gamins paumés qui jouent à fabriquer des bombes dans leur jardin pour rejoindre une cause lointaine qui donnera un sens à leur vie.
Au niveau technique, rien à redire, la réalisation est fonctionnelle, l'ambiance sent bon la banlieue anglaise, les acteurs incarnent à la perfection leur personnage (avec un caméo de Cumberbatch en négociateur de la police) et y'a une séquence qui m'a pour le coup vraiment fait marrer (le dialogue entre les snipers de la police et leur centrale pour savoir si le gars abattu était déguisé en ours ou en wookie, et déterminer si c'est la même chose ou non).
We are four lions est donc un film difficile d'accès du fait de notre actualité mais qui mérite pourtant qu'on s'y attarde.