Rarement un film m'aura autant fait souffrir.


Attention, ce qui suit divulgâche sévère.


Le film commence avec des séquences sans lien apparent et dont on peine à comprendre la chronologie. Jusqu'ici, rien de grave, on se dit qu'on comprendra plus tard. Au bout de 5 minutes, on découvre la fille d'Eva avec un patch sur l’œil, que s'est-il passé ? Suspense ! Au bout de 10 minutes, le montage refuse toujours de nous proposer une chronologie cohérente. Un incident très grave vient de se produire, Eva se trouve au milieu d'une foule de gens, principalement des lycéens, et regarde avec horreur en face d'elle. À partir de ce que la réalisatrice lui montre, le spectateur n'a aucun mal à faire le rapprochement avec le titre du film : Kevin a un problème. Il en déduit sans trop de mal que Kevin vient de commettre une tuerie de masse dans son lycée et que la réalisatrice a tué son climax et avec lui toute forme de suspense narratif.


A bout de 18 minutes, on découvre enfin Kévin et avec lui, tout le scénario du film. Kévin est l'incarnation du mal et fait tout pour transformer la vie de sa mère en enfer. À partir de là, le film n'a donc plus aucun intérêt puisqu'on devine absolument tout ce qui va se passer. Le reste se résume à une pure expérience de torture où l'on assiste, au présent, à l'auto flagellation d'Eva qui pour bien expier son péché d'avoir élevé un monstre reste vivre à côté du lycée où a eu lieu le massacre. Immanquablement, on la voit se faire traiter comme de la merde par son voisinage. Au passé, on assiste, atterrés, à l'évolution du petit Kévin, qui commet connerie prévisible après connerie repérée 3 minutes à l'avance.


Après avoir abordé la question de l'ennui profond, on pourrait aborder l'énorme absence de vraisemblance. Ce gosse a un problème ! Pourquoi personne n'y fait rien ?! Même sa mère, devant laquelle il est ouvertement infect, préfère encaisser plutôt que d'aller consulter, non pas un pédiatre, mais un psy. Comment expliquer qu'avec un sadisme aussi exacerbé, personne n'ait rien vu ? Sans parler du fait que le personnage lui-même n'est absolument pas vraisemblable. Quel enfant a pour objectif, dès sa naissance, de pourrir la vie de sa mère ? Si encore il s'agissait d'un film fantastique, ça pourrait passer, on pourrait accepter que quelqu'un puisse être le mal incarné, mais pas là. Kévin n'a aucune profondeur, c'est un méchant de dessin animé. Et malheureusement, aucun autre personnage n'aidera à enrayer le naufrage parce qu'ils ont tous la profondeur d'une feuille d'arbre. Ce film a pour sujet la vie d'une famille dont l'un des membres a commis une tuerie de masse. Le spectateur est en droit de s'attendre à un traitement psychologique poussé et à une caractérisation forte des personnages. Il n'aura rien de tout cela. En cela, We need to talk about Kevin constitue une énorme arnaque cinématographique.


La fin arrive et Eva pose ENFIN la question qui aurait dû être au centre du film : POURQUOI ? Pourquoi m'as-tu pourri la vie depuis ta naissance ? Pourquoi autant de sadisme ? Pourquoi as-tu tué ton père, ta sœur et tes camarades de lycée ? La réponse de Kévin correspond alors en tout point à la vacuité abyssale du film : "I used to think I knew. Now I'm not so sure.". Les scénaristes ne savaient absolument pas comment traiter le sujet et ils l'avouent enfin. C'est dommage, s'ils l'avaient dit dès le début du film, j'aurais évité de perdre 1h47 devant cette purge. Quitte à faire un montage complètement aux fraises, autant rendre ce service au spectateur.

JackFost
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le 15 oct. 2020

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