Malgré son nom, « Il faut qu'on parle de Kevin » (traduction officielle du bouquin dont le film est adapté) est un festival Tilda Swinton, qui est du reste une des meilleures actrices britanniques, plus qu'être véritablement à propos de Kevin (Ezra Miller). Le film semble être un produit de la personnalité de l'actrice, entre force et faiblesse, entre bourreau et victime. Les autres rôles sont tous assez caricaturaux, presque faire-valoir, et donnent différentes polarités à l'entourage d'Eva, la mère : Kevin en fils sournois, Franklin (John C. Reilly) en mari débonnaire, Celia (Ashley Gerasimovich) en petite sœur modèle.


Malgré ces seconds rôles manichéens au possible, la seule aura de Tilda Swinton instille une ambiance captivante au film. Jusqu'où est-ce que la mère est responsable du développement de son fils ? Il s'est dit qu' « Il faut qu'on parle de Kevin » est un film sur un enfant psychopathe, c'est plutôt un film sur la maternité. Et c'est rare et remarquable, un thriller qui se concentre non pas sur le coupable ou ses victimes, mais sur sa mère. C'est risqué aussi comme entreprise, puisque tout repose sur les émotions et sur les acteurs au lieu de reposer sur l'action. Le film, assez économe en parole (tout comme son actrice titre dans la vie, tiens donc), a le don de ne pas laisser retomber l'intérêt, et va jusqu'au bout de sa réflexion sur l'œdipe mère-fils dans un final grandiose.


Donc on peut dire que dans ce domaine, la réalisatrice Lynne Ramsay a réussi son coup. Elle a aussi très soigné sa mise en scène et ses effets de style : la couleur rouge sang omniprésente tout au long du film, des couleurs en général saturées, la musique de le vieux truc des flash-backs et flash-forwards constants, la restriction de cette petite ménagerie a un quasi-huis clos. Tout cela aide à l'oppression du spectateur, mais montre aussi ses limites et agace parfois. Le film aurait pu faire mieux. Le film aurait pu, au lieu de se perdre dans sa méthode de narration, en dire plus sur l'environnement, le contexte. Car parfois on a juste l'impression d'être spectateur passif du martyre de la mère, face à un fils fondamentalement mauvais, qui n'aurait jamais dû venir au monde, et qu'on devrait envoyer illico à la chaise électrique. D'un certain côté, le film cède à la facilité en nous montrant des tranches de vie sans expliquer grand-choses. Tilda Swinton sauve le film, en nous révèlant une mère ambiguë, entre martyre et anti-héroïne. Mais pourquoi n'extériorise-t-elle rien et laisse le mal tranquillement germer ? Mais pourquoi ne parle-t-elle pas de Kevin ?

filmdeouf
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le 11 avr. 2015

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