"Il est parfois plus traumatisant d'élever un enfant que d'avorter" avait dit Delphine Seyrig à un politicien dans les années 70 (dans ta face le macho) et effectivement oubliez tout ce que vous avez pu voir dans les documentaires animaliers et boniments masculins : l'instinct maternel n'est pas inné et ne s'apprend pas... encore moins quand son fils est un psychopathe.

Eva est une femme parfois dure, ambitieuse, professionnelle, passionnée par son métier (journaliste rubrique "voyages") elle voit son cauchemar se réaliser : enceinte, mariée avec un gentil nigaud, se voit déménager en banlieue, mettre un stop à sa carrière et finalement élever un bambin d'apparence (seulement) attardé et particulièrement difficile.

Le film rend à merveille l'isolement progressif d'Eva : les pleurs incessant, l'aide inexistante du mari, le regard et le jugement des autres... Eva n'est plus heureuse. Plus Kevin grandit, plus il s'avère clair qu'il ne l'aime pas, et le film sous-entend que c'est parce que sa mère sans jamais se l'avouer se doute bien qu'il est "différent". Dès lors Kevin n'aura de cesse de lui faire vivre un enfer en utilisant toutes les armes dont un enfant dispose : les silences, les bruits, les couches, la méchanceté gratuite, monter les parents l'un contre l'autre, etc....

Ca c'est la seconde partie du film, la première c'est Eva, seule, méprisée par un entourage qui sait tout d'elle et la juge responsable des actes de Kevin : puisqu'il est en prison, autant s'en prendre à elle. La scène où Eva décroche un nouveau travaille, se met à sourire toute seule dans la rue, et où une passante l'interpelle et lui décroche une violente gifle est particulièrement saisissante. Doucement nous suivons ce parcours qui ne peut aboutir qu'à une conclusion : d'une terre hostile il faut partir.

Après un début en aller-retour présent-passé le film se focalise sur l'évolution des personnages et là où le il fonctionne c'est dans la relation parfaitement rendue entre Eva et Kevin : une relation entre ennemis qui se connaissent et s'affrontent (presque) à armes égales par tous les moyens possibles et dans toutes les situations possibles. Les regards haineux du garçon, d'impuissance de la mère face à lui ET à son mari pour qui Kevin n'a jamais été autre chose qu'un garçon idéal. Le regard des autres : du voisinnage, des collègues, tout un environnement hostile finit par entourer Eva : sa fuite dans le supermarché où elle rencontre une mère de victimes, la gifle qu'elle se prend, les commentaires salaces et vulgaires de son collègue de travail, tout tend à lui faire porter la responsabilité d'actes qu'elle avait entrevus mais dont elle n'avait jamais osé penser qu'ils se réaliseraient puisque pour tout le monde Kevin était "normal".

Tilda Swinton est bien entendu exceptionnelle, la mise en scène un peu brouillon entre présent et passé, les messages sont un peu lourds mais la lente avancée vers l'inévitable est presque fascinante.

Le parfait film contraceptif.
Ivar
8
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le 10 oct. 2011

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Ivar

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