UN DRAME COMPLEXE COUSU DE FIL ROUGE.
« Je ne connais qu'un devoir, c'est celui d'aimer » écrivait Albert Camus : C'est à ce devoir universel que tente vainement de se plier Eva, mère du petit Kevin. L'antipathie irrémédiable qui règne entre les deux êtres se perçoit cependant dès la grossesse et ne cesse de croître à mesure que l'enfant grandit... jusqu'à ce qu'il commette l'irréparable.
D'autres films sortis en septembre abordent le même sujet controversé: Un Heureux Evènement de R. Besançon et La Guerre est déclarée de V. Donzelli traitent eux aussi du bouleversement que la naissance peut engendrer chez la mère. Que faire si mon enfant est anormal ? Et surtout, que faire si je ne parviens pas à l'aimer? Mais contrairement aux deux autres, We need to talk about Kevin n'apporte aucune réponse. Est-ce l'amour insuffisant porté par sa mère ou des causes socio-culturelles ou psychologiques qui ont fait de Kevin un être aussi abject ? Pour Eva comme pour nous, les origines de la haine demeurent obscures.
La singularité et le suspense glacial du film sont portés par les remarquables jeux d'acteurs de Tilda Swinton, particulièrement bouleversante en mère écorchée, John C.Reilly, étonnant dans un tel registre, et du jeune Ezra Miller, gueule d'ange au sourire machiavélique. Le montage fragmenté (peut-être trop, d'ailleurs) et la très belle photographie du film le rapprochent du thriller, soutenus par la dominance de la couleur rouge: rouge de la peinture qui recouvre la maison d'Eva, rouge de la confiture de fraise de Kevin, rouge du sang de l'accouchement et du drame final, mais surtout rouge de l'amour et de la haine, de cette relation paradoxale qui lie les deux êtres. Drame psychologique mais aussi esthétique, le film de Lynne Ramsay nous fascine autant qu'il nous dégoûte.
