La fin de l’été est souvent une période difficile en salles, les grosses machines sont toutes déjà sorties et les studios meublent les écrans avant des titres plus prestigieux à l’automne, pourtant parfois le destin peut nous réserver de bonnes surprises et clairement Wedding Nightmare en fait partie. Si c’est généralement Blumhouse qui sort ce type de petits budgets d’horreur à la Get Out, qui divertissent tout en proposant en filigrane une critique sociale, c’est ici Fox Searchlight filiale de 20th Century Fox spécialiste du film d’auteur, -qui vit ses dernières heures après le rachat de la major par Disney- qui nous propose ce film signé Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett issus du collectif Radio Silence (l’anthologie V/H/S). Samara Weaving (nièce de Hugo « Matrix » Weaving) vue dans Mayhem ou Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance incarne Grace, qui est sur le point d’épouser Alex Le Domas (Mark O’Brien) héritier d’une famille qui a fait fortune dans les jeux de société qui s’en est éloigné. Élevée par des parents adoptifs, Grace aspire non pas à la richesse, mais à fonder une famille. Hélas pour elle le père d’Alex, Tony (Henry Czerny) ne semble pas l’apprécier et en dehors du frère d’Alex (Adrian Brody) sa belle-famille est tout sauf sympathique. Le soir de ses noces elle apprend qu’elle doit se plier à une tradition familiale : aux douze coups de minuit elle doit jouer à un jeu choisi au hasard. Le jeu peut-être un anodin jeux de dames ou un Monopoly mais hélas pour elle, c’est un jeu de cache-cache très particulier qui est tiré au sort : elle doit rester en vie jusqu’à l’aube alors que sa belle famille la traque avec des armes datant de l’époque du fondateur de la dynastie.


Le duo applique les recettes de la série B d’horreur reposant sur un concept simple mélange des Chasses du Conte Zaroff et Die Hard dans un décor de whodunit avec une efficacité consommée. Ils ne perdent pas de temps à établir la situation et mettre en place la mythologie qui sous-tend le film, au bout de 10 minutes Grace court dans les couloirs du manoir verrouillé, essayant d’esquiver les carreaux d’arbalètes, les coups de haches et les armes à feu anciennes que sa belle-famille tente d’utiliser sur elle … Le scénario mordant de Guy Busick et Ryan Murphy, invite autant le public à rire qu’à hurler. Wedding Nightmare est une comédie horrifique plus qu’un torture porn traumatisant. Les poursuivants de Grace, qui n’ont pas joué à ce jeu depuis des décennies, n’ont rien d’assassins surentraînés. Bien que la mère d’Alex (Andie MacDowell) et Daniel (Adam Brody) semblent (en apparence) un peu moins enthousiastes à l’idée de tuer Grace, la plupart sont assoiffés de sang. Certains comme le paterfamilias de plus en plus hystérique incarné par Henry Czerny – abonné aux rôles de méchants en col blanc dans les années 90 (Mission Impossible, Danger Immédiat) et la tante Helene (Nicky Guadagni) toute droit sortie d’un film de Tim Burton le sont pour une raison liées aux origines de la fortune des Le Domas, que le film établira de manière explicite le moment venu, d’autres comme Emilie (Melanie Scrofano), la sœur d’Alex cocainée jusqu’aux yeux, son stupide mari Fitch ou Chastity (Elyse Levesque) la femme de Daniel suivent le mouvement sans remords pour préserver leur rang dans la famille. Mème les jeunes enfants d’Emilie et les domestiques se joignent à la traque. Samara Weaving a l’intelligence d’interpréter son personnage au premier degré en décalage avec ses poursuivants, c’est une héroïne crédible que ce soit en jeune mariée ou en proie de plus en plus désespérée mais de plus en plus dangereuse pour la famille Le Domas. Elle apparaît compétente et pleine de ressources mais sans jamais laisser penser qu’elle n’est pas en danger mortel. Weaving joue de cette dichotomie sans basculer dans un sens ou dans l’autre. Le film joue du décalage entre son apparence de princesse Disney (ce qu’elle est de fait avec le rachat de la Fox) et sa ténacité de filles des rues. Cette dichotomie finit par se refléter dans sa tenue avec sa robe de mariée (peu à peu ensanglantée) et les Converse qu’elle chausse pour échapper à ses poursuivants. L’ironie veut que cette orpheline qui se cherchait une famille finit par combattre non seulement ses beaux-parents mais littéralement les traditions et l’idée même de famille.


Les réalisateurs Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett et leur monteur Terel Gibson (Sorry to Bother You) s’appliquent à maintenir un rythme soutenu tout du long tendant en permanence vers l’efficacité maximale. A une époque où beaucoup de films d’horreur dépassent allègrement les deux heures, il est rafraîchissant de voir un Wedding Nightmare s’en tenir à 1 h 30 pour conserver son énergie sans tirer à la ligne. Limitant l’action à un manoir, aux écuries et aux bois alentours, Wedding Nightmare couvre beaucoup de terrain mais malgré l’espace le spectateur a toujours un sentiment de confinement. Si cela reflète celui de son héroïne, nous avons néanmoins l’impression que le duo n’exploite pas pleinement son somptueux décor le gardant le plus souvent dans les ténèbres. Si ils utilisent beaucoup la caméra à l’épaule pour se se placer aux cotés de leur héroïne le long des sinistres couloirs de la résidence, ils laissent les plans durer sans montage excessif et exploitent l’intégralité du cadre pour générer l’anxiété plutôt que d’avoir recours aux jump-scares. On se surprend à guetter les recoins de l’image pour anticiper la prochaine attaque. Sans abuser de gore, bien que le film soit tout de même généreux dans ce domaine, Bettinelli-Olpin et Gillett rendent la violence éprouvante en jouant sur la longueur des plans (la scène avec le clou qui lacère la main de Grace) et sur un design sonore éprouvant qui insiste sur les gargouillis des mourants où le bruit des coups portés. Si il est loin d’être parfait, sa satire des 1% restant en surface, Wedding Nightmare est une comédie d’horreur efficace, cruelle et drôle portée par un casting déchaîné et une Samara Weaving charismatique qui entre au panthéon des Final Girls.

PatriceSteibel
7
Écrit par

Créée

le 26 août 2019

Critique lue 3.4K fois

12 j'aime

PatriceSteibel

Écrit par

Critique lue 3.4K fois

12

D'autres avis sur Wedding Nightmare

Wedding Nightmare
JorikVesperhaven
6

Postulat tordu, acteurs de seconde zone et réal indigeste mais c'est drôle, gore et très divertissan

Le postulat de cette série B fleure bon le slasher des années 80 ou 90 mais s’avère relativement appétissant. On y voit une jeune mariée être la proie de sa belle-famille ultra riche dans leur...

le 26 août 2019

19 j'aime

Wedding Nightmare
Vonsid
5

Noces de carton

J'étais plutôt enthousiaste à l'idée de retrouver la charmante Samara Weaving, vue précédemment dans The Babysitter qui, s'il n'avait rien d'un chef d'oeuvre, était suffisamment déjanté et fun pour...

le 28 août 2019

14 j'aime

1

Wedding Nightmare
RedArrow
4

Une nuit de noces clairement pas à la hauteur des attentes

Encore méconnue du grand public, cette espèce de furie blonde aux faux airs de Margot Robbie qu'est Samara Weaving (et accessoirement nièce de Hugo) s'est surtout bâtie une petite réputation auprès...

le 28 août 2019

14 j'aime

7

Du même critique

Le Fondateur
PatriceSteibel
8

Ça s'est passé comme ça chez McDonald's

Parfois classicisme n’est pas un gros mot , Le Fondateur en est le parfait exemple. Le film , qui raconte l’histoire du fondateur de l’empire du fast food McDonalds, Ray Kroc interprété par Michael...

le 26 nov. 2016

58 j'aime

1

Star Wars - L'Ascension de Skywalker
PatriceSteibel
6

Critique de Star Wars - L'Ascension de Skywalker par PatriceSteibel

Depuis la dernière fois où J.J Abrams a pris les commandes d’un Star Wars il y a un grand trouble dans la Force. Gareth Edwards mis sous tutelle sur la fin du tournage de Rogue One, après une...

le 18 déc. 2019

41 j'aime

7

7 Psychopathes
PatriceSteibel
8

Une réjouissante réunion de dingues (et de grands acteurs)

Avec ce genre de comédie noire déjanté et un tel casting j'apprehendais un film ou le délire masquerait l'absence d'histoire et ou les acteurs cabotineraient en roue libre. Heureusement le...

le 5 déc. 2012

36 j'aime

9