La logique aurait voulu que je compare "Dunkerque" à "Week-end à Zuydcoote" et non l’inverse, du fait que le film de Christopher Nolan est sorti 52 ans après celui d’Henri Verneuil. Oui ben je fais les choses comme je peux, obéissant au fait que j’ai vu en premier le plus récent des deux. En dépit du fait qu’on retrouve pas mal de choses en commun aux deux films
(l’embarquement sur un bateau qui finira au fond de l’eau, le ponton improvisé, les inlassables raids aériens sur les troupes acculées…)
, le point de vue est différent. Normal, après tout : Henri Verneuil est français, tandis que Christopher Nolan est britannique.
Ici le spectateur est placé au sein des troupes françaises en déroute, et c’est là que les deux films se démarquent complètement : la pagaille contraste fortement avec le repli très ordonné des britanniques vu par le cinéaste anglais. De ce point de vue-là, même si l’ordre et la discipline n’empêchent rien, y compris dans les situations les plus compromises, le spectacle offert par Henri Verneuil me semble plus réaliste. Ben oui, l’armada allemande était si irrésistible, sa progression si rapide qu’il parait inconcevable de voir les soldats et le matériel soigneusement alignés en attendant fébrilement une hypothétique possibilité de s’échapper. Verneuil nous présente un immense chaos, où chacun essaie de survivre en se rendant la vie la plus agréable possible dans cet enfer. Un enfer de mitraillages et d’explosions. En matière de pyrotechnie, les moyens de l’époque montraient leur limite. Car on voit parfois les véhicules exploser d’abord de l’intérieur avant de sauter immédiatement après en l’air. Ne perdons pas de vue que ce film date de 1964 et que la pyrotechnie est dans l’ensemble bien maîtrisée.
Après une bonne entrée en matière faisant l’œil au paradis des vacances en bord de mer, Verneuil se focalise sur un homme en particulier, et sur quelques compagnons de route. Nous reconnaîtrons sans aucune difficulté Jean-Pierre Marielle, Pierre Mondy, François Périer, et même Paul Préboist dans une courte apparition à travers un caméo qui amène un peu de baume au cœur. En effet, au contraire de la réalisation de Christopher Nolan, l’humour n’a pas été écarté, pas plus que la romance, aussi improbable que cela puisse paraître au vu de la gravité de la situation. Les dialogues sont bien écrits, et quelques répliques fusent selon le principe du sens de la répartie. Cela prête à sourire.
Cependant on suit tel un spectateur lointain les errements décidés de Julien Maillat. Je veux dire par là qu’on ne ressent guère d’empathie pour lui. A la limite, le spectateur est presque résigné pour lui, et c’est sous une sorte de ce même sentiment qu’arrive le générique de fin. A défaut d’être pris dans cette fuite pour survivre, le spectateur constate que les anglais en prennent au passage pour leur grade, sans toutefois entrer dans les détails. Etait-ce bien utile ? Pas vraiment. Verneuil a choisi de ne pas trop creuser la question, ce qui explique qu’on ne nous dit pas non plus d’où viennent ces frêles embarcations venues évacuer les soldats encerclés. Normal, c’est organisé principalement par les anglais, et comme le point de vue est exclusivement français…
En conclusion, "Week-end à Zuydcoote" est un bon film, bien complété par le "Dunkerque" de Christopher Nolan (et qu'on peut accessoirement compléter par "Les heures sombres"). En fait, malgré une réalisation particulière dispensée sur 3 espaces spatio-temporels de la part du cinéaste britannique, je considère les deux films comme complémentaires et pour le coup indissociables. Même si la tenue des troupes dans l’ordre et la discipline étaient diamétralement opposée. Il manque tout de même au film de Verneuil ce petit truc épique qui aurait emporté l’adhésion totale du spectateur. Dommage !