Beaucoup comparent souvent le cinéma de Noah Baumbach à celui de Woody Allen. Un parallèle facile, justifiable sur certains aspects (bourgeoisie américaine, humour grinçant sur les questionnements existentiels de quadragénaires new-yorkais, place prépondérante du couple dans le récit), mais qui trouve rapidement ses limites : Baumbach ne semble pas faire des films pour les mêmes raisons que Woody Allen. L’un est un cinéphile évident, l’autre un marginal amateur de théâtre. Mais surtout, contrairement à Allen, on retrouve chez Baumbach une composante sociale inédite : ce recul sur sa propre condition et celle de ses personnages, prisonniers de leur microcosme, devient une thématique centrale de son récit.


While We’re Young n’est pas un film fait pour tout le monde. Si le spectateur est allergique aux bobos new-yorkais déconnectés de la réalité qui se trimballent avec un fedora en se plaignant du temps qui passe, ce n’est même pas la peine d’essayer : le nouveau Baumbach s’inscrit totalement dans cette définition. Le film n’est pas totalement premier degré, bien entendu, on sent un certain plaisir qu’a le cinéaste à s’amuser de l’égocentrisme de ses personnages, mais cela ne change pas radicalement le visage du long-métrage.
Baumbach préfère ses personnages et leurs relations aux interactions privilégiées par le cinéma de Woody Allen. Chez ce dernier, le statu quo est le fil conducteur de la diégèse, alors que les liens invisibles qui joignent les personnages de While We’re Young sont constamment en mouvement. Ils évoluent, ils se transcendent et se surprennent. Un cinéma plus humain, en somme, Greenberg en était d’ailleurs un exemple parfait. C’est de là que naît le comique, quand la réalité se confronte au fantasme, car en illustrant ce choc générationnel par le biais d’une relation d’amour-haine, avec comme casus belli un sentiment mélancolique, Baumbach décrypte le déni de sa propre condition sociale. Derrière ces riches privilégiés se cache peut-être finalement un message plus universel, une réflexion profondément pessimiste sur l’état de la société qui, si elle n’évite pas quelques choix discutables (notamment de traiter des différences temporelles par le biais de l’art et des médias), se révèle intelligemment menée : plutôt que de s’intéresser aux victimes du monde, Baumbach se concentre sur ses privilégiés.


On est certainement assez loin de l’exercice de style – proche du pastiche – expérimenté avec Frances Ha, mais après cette parenthèse inattendue, Baumbach revient à ce qui avait fait autrefois la saveur toute particulière de son cinéma : un essai social s’argumentant autour de personnages élitistes qu’on aimerait détester, mais que le cinéaste parvient à humaniser avec une facilité déconcertante. Même un universitaire documentariste égoïste ne peut être qu’attachant lorsqu’il est interprété par Ben Stiller. Savoureux.

Vivienn
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le 24 juil. 2015

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