Andrew est un jeune homme un peu paumé, solitaire et craintif, animé par le rêve de devenir un batteur exceptionnel. C'est typiquement le genre de personnage qui suscite l'empathie : parce qu'il est un peu faiblard, on veut le voir se redresser, réussir et s'accomplir ; son abnégation nous porte et nous insuffle une véritable énergie. Cette stratégie du anti-héros empathique n'est ni nouvelle ni originale, mais elle fait vibrer les bonnes cordes, c'est sur elle que s'appuie toute la puissance émotionnelle déployée par Whiplash.
Le dynamisme et la précision de la réalisation n'y sont pas étrangères non plus, ça bombarde pas mal niveau inserts sur le sang, la sueur et les expressions faciales.


Et parce que l'on ressent cette empathie indescriptible pour Andrew et son entreprise insensée sans cesse contrecarrée par le professeur Fletcher, ce véritable eugéniste de la musique, on se met quasiment à l'incarner, avec les désirs, les sentiments et les émotions qui lui appartiennent. Andrew doit réussir, il doit absolument réussir. Qu'il souffre, qu'il échoue, qu'il se décompose devant son bourreau, qu'il explose de colère, qu'il exulte au travers d'un simple sourire qui en dit long, qu'il soit transfiguré par son désir de perfection quasi-aliénant ou qu'il bouillonne comme lors de la dernière scène, on le ressent avec une profondeur incroyable.
On est Andrew.
Sa batterie devient le support de toutes ces émotions, on se prend à suivre chaque mouvement, à guetter chaque percussion avec attention, à appréhender chaque réaction de Fletcher, de sorte que l'on ne parvient même plus à profiter de la musique.

La réflexion ne prend aucune place dans le processus, c'est le coeur qui nous guide à travers ce trip cinématographique. C'est ce que j'aime et ce que je recherche le plus dans le cinéma, j'aime vivre le cinéma, sentir la gorge se nouer, les entrailles se serrer, les mains se crisper, m'attacher aux personnages comme si je les connaissais.


Ce film m'a donné ce que j'aimais au cinéma. Et pour cela je peux dire que Whiplash est énorme, doté d'une d'intensité émotionnelle exceptionnelle, certainement rarement atteinte au cinéma ; c'est là l'une de ses qualités essentielles avec le jeu de Milles Teller (Andrew) et la présence incroyable de J.K Simmons (Fletcher). Je suis obligé d'évoquer en particulier la scène finale carrément démentielle, et pendant laquelle je me suis surpris à lâcher des "vas-y, vas-y... tu tiens ton truc, lâche pas !" (je ne sais pas vous mais je n'ai pas l'habitude d'encourager des personnages fictifs).


Whiplash propose une expérience originale, très sensorielle et émotionnelle, il évite par la même occasion tous les lieux communs propres au genre du prodige musical. Ce n'est définitivement pas un film à scénario - bien que l'intrigue soit réellement prenante -, il n'appelle pas de véritables réflexions sinon sur le prix à payer pour devenir un génie de la musique, on peut le regarder de manière brute, d'un oeil d'enfant, parce qu'il repose uniquement sur la tension émotionnelle, elle-même fondée sur notre désir de voir Andrew sortir vainqueur de sa confrontation avec Fletcher mais surtout avec lui-même. Et il le fait tellement bien, Whiplash c'est un film qui plonge brutalement en plein dans les tripes et qui n'a pas besoin de mots pour le faire.

Jimilibilibob
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le 20 déc. 2016

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Jean François

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