Ambition ou obsession frénétique?

Whiplash aurait pu être un film américain banal, racontant l'histoire d'un jeune homme passionné de Jazz, sauf que, c’est bien plus que cela.


Whiplash c’est avant tout une mise en scène incroyable ou l’histoire se déroule au rythme endiablé du Jazz. La tension monte en même temps que les exigences de ce milieu et la difficulté des partitions à apprendre.
Ce n’est donc pas l’histoire d’une passion mais plutôt son revers : Quand la passion tourne à l’obsession et abouti à une frénésie de l’être par delà le bien et le mal.


Un jeune homme nourrissant beaucoup d’ambitions dans le monde de la musique se fait remarquer par une pointure de la musique, chef d’orchestre qui l’intègrerai plus tard dans le sien. Durant toute l’intrigue, on voit d’un côté, l’enthousiasme de la jeune recrue qui s’imagine se rapprocher de son rêve de devenir un grand du monde du Jazz, de l’autre, la dureté du professeur de musique, son intransigeance, son amertume. Tout au long de l’intrigue on se dit bien que cet attitude est là pour dégoûter les plus emballés et assidus et c’est tout là la complexité psychologique de ce personnage. A mon sens, le film reste volontairement ambigu sur la psychologie de ce personnage.


Les différents plans, le rythme de l’histoire, les montages des différentes scènes de l’orchestre donnent un rythme soutenu et maitriser qui nous fait entrer dans l’intrigue sans pour autant s’attacher aux personnages principaux assez peu aimables : Entre le professeur qui torture mentalement ses élèves et le jeune homme qui s’isole pour passer des heures à s’améliorer à la batterie et devient complètement mégalomane et suffisant/ méprisant vis à vis des aspirations des autres. Pour autant on ressent la tension en se demandant ou cette frénésie et cette course éreinté à la performance et au succès va bien pouvoir mener. Bref c’est catchy et ça prend tout de suite.


Ce film nous amène aussi à nous questionner sur les priorités de la vie : Doit-on vivre à fond un rêve quitte à se tuer à la tache et à s’éloigner de nos proches et faire mourir dans l’oeuf des relations? Sacrifier tout pour une passion est-il finalement viable et épanouissant?
Toutefois ces questionnements sont renforcés par l’histoire d’emprise psychologique. En effet là est toute l’ambiguïté : on ne sait jamais vraiment si Andrew s accepte la dictature de son professeur car il embrasse ses méthodes et son rêve ou s’il ne fait que subir ces humiliations. Son attitude d’attente et de passivité ne semble pas montrer qu’il entend un jour changer cela jusqu’à ce qu’il témoigne contre son professeur. Quoi que là encore il semble contraint.


Questionnement renforcé par l’excellente scène ou Andrew et Terrence se retrouvent après le renvoi de ces deux derniers du conservatoire. Terrence se justifie alors sur ses méthodes controversés : Pousser la personne à exploiter son potentiel. La pousser à bout pour qu’elle se donne au maximum car, un compliment n’a jamais créer de génie, juste de la suffisance et finalement la banalité. Selon Terrence si une personne poussée à bout décide quand même de se cramponner c’est qu’elle est donc à même de devenir la prochaine légende du jazz. Comme dirait-on, l’enfer est pavé de bonnes intentions?


D’ailleurs un point appréciable du film : les personnages sont bien nuancés et il n’y a pas de gentils ou de méchants. Les deux personnages principaux; avec leur même obsession ont, à leur manière, le don de rejeter l’autre, le don de verser dans l’intransigeance .Une passion dévorante qui leur font perdre la raison et en même temps, leur caractère respectif est dicté par un objectif.


La dernière scène est aussi magistrale, révélatrice qu’ambiguë. En effet il s’agit là du retour du thème de l’emprise et l’affrontement entre Andrew et Terrence. Andrew démasqué et piégé par son ancien professeur une fois sur scène, décide de lui tenir tête en lui prouvant par la même occasion que lui, se cramponne, malgré tous les coups bats et toute la pression psychologique que Terrence a pu exercé sur lui.
Toutefois on ne comprend pas alors si par ce retournement de situation Andrew approuve son ex-professeur et les deux personnages seront prêts à travailler main dans la main car animés par la même passion et le même but : celui de trouver un talent et être chaque fois meilleur.
Ou si Andrew en reprenant le contrôle est prêt, après s’être surpassé, à se faire une place dans ce monde du Jazz loin de son ex-professeur et de ses méthodes mais tout de même réussir.


Somme toute un film magistrale et haletant qui traite de l’ambition, de la passion, de l’obsession , d’un monde artistique dans lequel il est difficile de se faire une place, et la fin justifie parfois toujours les moyens… à voir!

Clawdia
8
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le 15 oct. 2020

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