Avec sa hype gigantesque à faire pâlir de jalousie un youtubeur en manque de likes et sa pluie de récompenses à travers le monde, Whiplash me faisait sacrément peur. Crainte d'être forcément déçu, de se retrouver face à un objet sur-vendu, pas à la hauteur des attentes... Dieu merci, la déception n'a pas eu lieu même si je n'en ferais pas personnellement le film de la décennie, titre auquel il ne prétendait pas de toute façon.


Adaptant son propre court-métrage du même nom pour les besoins du cinéma, le jeune Damien Chazelle construit son second long-métrage à partir d'un canevas tout simple. Le cinéaste et scénariste reprend des figures connus du cinéma (le prof tyrannique d'un côté, le jeune élève timide de l'autre), voir même des lieux communs, pour nous raconter une histoire finalement classique et prévisible, qui ne risque pas de changer votre vision de l'existence.


Mais l'intérêt de Whiplash n'est justement pas dans ce qu'il raconte mais bien dans sa façon de le faire, et surtout dans les sensations qu'il procure à un spectateur habitué ou pas à l'univers qu'il décrit. Que l'on soit mélomane ou non, il est difficile de rester de marbre face à l'illustration viscérale de cette apprentissage douloureux, de ce duel psychologique entre un élève doté d'un potentiel énorme et un professeur le poussant au bord de la rupture pour apercevoir ne serait-ce qu'une infime étincelle de génie et de grâce.


A la fois ample, vive et intimiste, la mise en scène de Damien Chazelle retranscrit à la perfection la rythmique et la puissance de la musique, chaque note, chaque coup de baguette trouvant une incarnation pertinente et percutante. Plus que les insultes ou les félicitations, plus qu'une éventuelle réussite ou un rêve déchu, c'est surtout la discipline de fer qui compte ici, qu'elle soit physique, morale ou sociale, la maîtrise parfaite du rythme étant essentielle pour découvrir la véritable nature du jazz, atteindre enfin ce moment absolu où la technique peut s'effacer au profit du coeur et des tripes.


Frôlant plus d'une fois la sortie de route, Whiplash se rattrape à chaque fois, compensant son récit un brin convenu par une sincérité et une approche organique qui vous colle des frissons, à l'image d'un final orgiaque où le flow s'empare de vous pour ne plus lâcher. A ce titre, on ne pourra que saluer l'incroyable implication de Miles Teller, comédien peu charismatique mais qui se trouve ici complètement transcendé, tenant la dragée haute à un J.K. Simmons une fois de plus parfait et délectable en tyran borderline.

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le 23 déc. 2015

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Gand-Alf

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