Le jazz, c’est pas ma came. Y a rien à faire, je préférerai toujours un petit Lou Reed aux ondes mielleuses d’un Coltrane ou d’un Davis. Quel con ce jeune.

Mais là n’est pas le propos, Damien Chazelle ne s’adresse pas au fanatique de jazz mais plutôt à l’amateur de musique lambda, voire même au péquin moyen qui n’y connaît rien. Tout entier affairé à élaborer un véritable questionnement sur le dépassement de soi et sur le talent, il met en scène le monde élitiste de l’orchestre professionnel sans adoucir le trait, livrant son protagoniste à Terrence Fletcher, Sergent Hartman du jazz qui lui fera mêler sang et sueur entre 4 caisses et 3 cymbales.

La ballade dans cet univers est belle mais violente. La caméra n’épargne pas le spectateur, elle filme la musique et ses sévices rendant même les sévices indispensables à la musique. Y faut souffrir pour être bon gamin. Ce discours du mérite est creusé dans les convictions des personnages, plus particulièrement dans la philosophie de Fletcher qui martèle sa croyance en l’existence d’un talent enfoui dans le plus grand nombre que seul le travail à outrance peut révéler.

Un discours tout ce qu’il y a de plus banal mais qui prend toute sa valeur dans la mise en relief que lui procure l’interprétation juste grandiose de JK Simmons, membre d’un casting qui n’est déjà pas en reste. JK Simmons est de ceux qui arrivent à rendre le juron joli et l’insulte délicieuse, engageant tous les muscles de sa face dans sa rage, toute la brillance de ses yeux et toute la raideur de son être dans l’émotion d’un personnage on ne peut moins vide dont les convictions iront jusqu’à prendre le pas sur une intense rivalité. Même des personnages secondaires comme la famille du jeune prodige apparaissent justement dosés.

Whiplash n’est en fait rien de moins qu’une preuve que l’on peut filmer la musique sans parler de musique et que l’étude d’un exemple peut convoyer un message universel qui prend sens dans le monde musical, mais également dans un tas d’autres domaines.

Whiplash est une histoire cinglante de zinc et de sang qui confirme à l’issue d’un final dantesque que tout le monde, oui tout le monde devrait aller voir Whiplash.

Et finalement, le jazz, c’est pas si mal.
Deleuze
8
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le 30 déc. 2014

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Deleuze

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