Whitney
6.8
Whitney

Documentaire de Kevin Macdonald (2018)

Chansons enjouées et histoire triste

Un conte de fées qui tourne au cauchemar. C'est l'impression qui ressort de ce documentaire, sauf que le ver était peut-être déjà dans le fruit avant le succès planétaire de Whitney Houston.


On peut (et j'en suis) considérer que celle-ci a joué un répertoire aseptisé et insipide, mais il est en revanche difficile de ne pas reconnaître la qualité de sa voix, sa puissance d'interprétation et, bien sûr, un physique à tomber par terre. Et de ne pas être touché par ce véritable gâchis, ce destin d'une tristesse à pleurer.
Il apparaît que, toute sa vie, Whitney Houston a voulu être normale, être une femme entourée par sa famille. En près de deux heures, le film ne donne pas de réponses définitives, mais il donne à voir un envers du décor bien moins propre et idyllique que ce qu'on donnait en spectacle, avec cette femme toujours impeccablement coiffée, maquillée et habillée, dont on se demande ce qu'elle cherchait à cacher et qui n'était pas toujours bien entourée. Son physique lui permettra en partie de s'affirmer comme une vedette qui réunira noirs et blancs, mais, enfant, elle qui n'est même pas une métisse se fait harceler par d'autres enfants noirs de son quartier pour ce physique peu typé. Son prénom sera déformé en « Whitey » ( : blanchette), quand on lui reprochera plus tard d'avoir « blanchi » et rendu inoffensive la musique noire pour amplifier et assurer son succès. Ce qu'elle réussira notamment à ce niveau de « réconciliation » entre noirs et blancs, c'est le baiser de Bodyguard, quand elle se jette finalement dans les bras de Kevin Costner, où, comme elle le dit elle-même, il n'y a plus une noire et un blanc, mais deux amoureux.
On revient, sans doute pas de manière assez approfondie sur sa relation avec Robyn, assistance dévouée et lesbienne qui joua un rôle capital auprès d'elle : on ne saura finalement pas, comme beaucoup l'ont pensé, si l'impossibilité à assumer un amour homosexuel aura en bonne partie démoli la chanteuse. Si ses parents assistent ensemble à ses spectacles, ils sont en fait séparés, et ce divorce a beaucoup affecté Whitney Houston. Tous deux semblent nettement avoir voulu satisfaire leurs ambitions personnelles avec leur fille : si Cissy Houston, la mère, elle-même chanteuse, qui l'a formée, semble sincère, le père, John Houston (sic), apparaît comme un personnage bien plus douteux, dont les méthodes, déjà au temps où il faisait de la politique, n'ont pas l'honnêteté pour priorité et lorgnent du côté de la mafia (le témoin qui raconte qu'il fallait embrasser la bague du père Houston !), qui s'imposera comme manager et profitera de la fortune de sa fille sans vergogne, allant jusqu'à lui coller un procès quand elle le congédiera. La mort du patriarche empêchera la procédure d'aboutir, mais on imagine l'impact que cela eut sur une fille qui était vraiment attachée à lui.
Ses grands frères l'entourent et travaillent pour elle, mais l'initient à la fumette dès l'adolescence puis deviennent des partenaires de défonce. L'entourage de la chanteuse traîne son lot de commensaux et de parasites qui n'ont aucun intérêt à ce qu'elle lève le pied. Après plusieurs idylles, elle se marie en blanc avec Bobby Brown, mais le bad boy ne fera qu'amplifier ses mauvaises habitudes au lieu de lui apporter la stabilité, supportant de moins en moins que sa carrière décroisse tandis que celle de sa femme reste au sommet. Whitney Houston mettra longtemps à accepter l'échec de cette relation toxique et à se résigner à y mettre fin, réalisant que, malgré ses efforts, elle a reproduit l'échec conjugal de ses parents, ce qui était apparemment une de ses hantises. Elle sera alors devenue, après son mari, une habituée des torchons à scandales.
Mais le plus triste est sans doute le destin de Krissi, son unique enfant, la fille qu'elle a eue avec Bobby Brown. La chanteuse apparaît comme une mère sans doute affectueuse mais pas forcément compétente. Elle, qui connut une enfance souvent instable, confiée avec ses frères à divers proches quand les activités de son père et les concerts de sa mère les entraînaient loin du foyer, ne voulut pas que sa fille connaisse la même chose et l'emmena souvent, dès son plus jeune âge, en tournée avec elle, ce qui n'est pas le cadre idéal pour une fillette qui aurait dû être scolarisée et jouer avec d'autres enfants de son âge, comme le fait remarquer un témoin. Il y a cet extrait de concert pathétique où, sur scène, la fillette, visiblement terrorisée par la foule et les lumières, encerclent fébrilement les jambes de sa mère qui, simultanément, chante une chanson d'amour pour elle. Tragiquement, en voulant protéger sa fille, Whitney Houston l'aura privée d'enfance et en aura fait un être instable et malheureux, une sniffeuse de coke qui avouera à une amie avoir parfois eu envie de tuer sa mère ! On ne comprendra que finalement les larmes, lors d'un témoignage, d'une amie de la famille, qui s'était occupée longuement de Krissi : à la toute fin du film, histoire d'enfoncer le clou, un texte nous apprendra que la jeune femme est morte trois ans après sa mère, dans des circonstances analogues : retrouvée inconsciente dans sa baignoire, elle décéda six mois plus tard dans un hôpital.
Son divorce n'aura pas permis à la chanteuse de prendre un nouveau départ mais plutôt d'amplifier sa détresse : sa vie semble alors devenue une longue déchéance, rythmée par les fêtes interminables, la dépression, les enregistrements avortés, les concerts annulés ou ratés, les cures de désintoxication inabouties, et quelques étincelles de ci de là, avant une mort à 48 ans dans la baignoire d'un hôtel. Pourquoi un tel fiasco ? Le film évoque la possibilité d'une agression sexuelle, par une femme de sa famille, qui aurait généré la tragique instabilité de Whitney Houston.
Drustan
7
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le 25 juil. 2021

Critique lue 161 fois

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