Un western policier qui satisfait plus les yeux que l'esprit

Le film est superbement emballé, beau à voir, dépaysant et agréable à suivre. En même temps, il a quelque chose d'un peu déplaisant, de contrariant, peut-être une fausse authenticité. Quelque chose sonne faux, surtout dans la dernière demi-heure. Les caractères de certains protagonistes ne sont pas très convaincants, et ce n'est pas un problème d'acteurs, car ils font le boulot (Jeremy Renner en tête), sauf peut-être l'odieux méchant qui, dans le final, surjoue sans doute un rôle de toute façon impossible.


Sinon, ca démarre plutôt bien. Le métrage a des allures de western documentant les dures conditions de vie hivernales des habitants du Wyoming et dénonçant, sans appuyer, celles, tout au long de l'année, des Amérindiens Arapahos transplantés il y a un siècle et demi dans la réserve indienne de Wind River, une réserve (d'une superficie supérieure au département de l'Isère) à cheval entre l'extrémité occidentale des grandes plaines du Midwest et la chaîne du Wind River (composante des Montagnes Rocheuses) culminant au pic Gannett, dont l'imposante splendeur, aux neiges éternelles, sera utilisée lors du final du film.


Il y a quelque chose comme vingt minutes de mise en place des lieux et des personnages, avant que l'intrigue (de type enquête policière tentant d'élucider la découverte du cadavre d'une jeune Amérindienne battue et violée) ne démarre vraiment. Mais on ne s'en plaint pas : tout ce qu'on nous montre et nous raconte est bien amené, agréable à suivre et à découvrir. Visuellement, cette partie du Wyoming, ces vastes étendues sauvages et enneigées (on est en plein hiver) sont de toute beauté et, du moins ai-je trouvé, habilement photographiées (par ex. depuis un hélicoptère, voire un drone). En revanche, le spectateur a plus de mal à imaginer que le thermomètre, la nuit, peut descendre jusqu'à - 30°. Ces conditions de rigueur extrêmes (et la pauvreté des ressources minières) font du Wyoming le moins peuplé des États-Unis et l'un des plus sauvages, des plus retardés, des plus déshérités. Pour, l'hiver, lutter contre le froid, la neige, le silence, l'absolu manque de "distractions" caractéristique de ce type de cambrousse, il y a l'alcool, la drogue et, bientôt débridées, viennent alors la violence, les pulsions animales... Du pain béni pour un scénariste à la recherche d'une histoire à raconter, aussi spectaculaire et sensationnelle que possible ?
Taylor Sheridan, scénariste (s'étant illustré avec Sicario et Comancheria sortis en 2015 et 2016) et, pour la première fois, réalisateur du film, exploite le filon brillamment pendant 75 minutes : il nous offre des immensités majestueuses, des animaux sauvages, à quatre ou deux pattes, des motoneiges rageurs et virevoltants, des changements de rythme soudains, d'incroyables fusillades avec morts en pagaye. Bref, on ne s'ennuie pas.
Ça se gâte ensuite. La psychologie de certains personnaqes, les péripéties dramatiques de la dernière demi-heure ne résistent pas vraiment à l'analyse. Certaines invraisemblances m'ont agacé.
D'abord, le film montre ou fait référence à deux viols (pas commis par les mêmes personnes mais dans des circonstances à peu près identiques, à trois ans d'intervalle), dans deux des familles amérindienne ou moitié amérindienne de l'histoire ; je trouve ça un peu beaucoup, même si les moeurs du Wyoming, je veux bien le croire, sont particulièrement sauvages et irrespectueux, surtout envers les jeunes Amérindiennes.
Ensuite, alors que, dans le mode de vie que Sheridan nous présente, fusils et revolvers sont toujours prêts à être dégainés (et on sait bien que ça n'est pas rare aux USA), on voit un homme en pleine force de l'âge et très expérimenté ne pas penser à utiliser son arme à feu, au moins de manière dissuasive, alors que la vie de sa chérie et la sienne sont gravement menacées.
Enfin, le final entre le chasseur et le prédateur - violeur et meurtrier - principalement responsable de l'ensemble de la tuerie ne m'a pas convaincu : après l'incroyable déchaînement de violence et de fusillades ayant précédé, la mise à mort écologique du prédateur, au tout sommet enneigé du pic Gannett, point culminant (4.207 mètres) du Wyoming, m'a semblé décevante (comparée, par ex., à celle du "méchant" Henry Fonda dans Il était une fois dans l'Ouest), limite grotesque.
Comme m'a semblé complètement superfétatoire le regain de parlottes convenues qui suit, en conclusion de l'histoire, suggérant que la morale est sauve, que les bons l'emportent et que, pour eux, une nouvelle forme de bonheur est proche.


Bref, le film vaut la peine d'être vu (plaisir des yeux), mais ne satisfait pas complètement (l'esprit y trouve à redire).

Fleming
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le 4 sept. 2017

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