Action Reaction... et émotion

Quand comme moi on partait de la série télé avec Linda Carter il y avait peu de chances d'adhérer à ce personnage. Et puis je suis allé voir Batman v Superman et j'ai été soufflé par l'introduction de cette Wonder Woman au look austère et au caractère sauvage. Ce film décrié à juste titre selon moi était sauvé par l'Amazone a elle seule. Je ne m'apesantirai pas sur ce film parce que de toute façon personne n'est d'accord, et parce que ce n'est pas le sujet du jour. Wonder Woman, le film, est une origin story (je n'en connaissais rien ou presque) très réussie et originale. Le fait que j'aime la mythologie grecque en particulier justifiant cela. Dans le même esprit j'avais beaucoup aimé le film Thor. Second point, le contexte de la Première guerre mondiale donne tout son sens à la quête de l'héroïne qui quitte son paradis pur et innocent pour défaire le dieu de la Guerre Arès, instigateur de la folie des hommes. Le choc des moeurs (feminisme omniprésent mais relativisé par la naïveté d'une représentante d'une société matriarcale) et des civilisations (l'Occident est pollué, grisâtre et terriblement masculin) est ici bien amené, même si le film offre peu de réelles surprises. On a au final vu et entendu tout ce qu'on était venu y chercher. L'antagoniste est plutôt réussi dans sa forme offensive (c'est un détail mais j'ai adoré la façon dont il sculpte son heaume) et cohérent par rapport à la personnalité de notre héroïne. Le love interest est également très réussi, et sa trajectoire plus subtile que son équivalent dans nombre d'adaptations de comics. Par son contexte et son cheminement on est assez proche de Captain America : First Avenger que j'avais également adoré parce qu'il expliquait et assumait le patriotisme ridicule porté par le personnage (son nom et son look initial) passant pour grotesque aux yeux d'un européen du 21e siècle. Mais Wonder Woman fait mieux à tous les niveaux encore me semble-t-il. La guerre de 14-18 est vue par les contemporains comme la dernière estocade (c'est en partie la revanche de la Guerre de 1870) à mener avant l'instauration d'un nouvel équilibre mondiale. Le rôle de notre Amazone est fondamentalement le même : éliminer une fois pour toute le mal réincarné qui inspire les hommes à s'entretuer. Le message du film est du coup très fort tout en restant très simple : la nature humaine est ainsi faite et n'a foncièrement pas besoin d'un dieu malfaisant même si cela peut aider.
Les personnages secondaires sont intéressants et justes assez développés pour contrebalancer l'omniprésence du couple vedette. La musique de Rupert Gregson-Williams est tantôt fonctionnelle, voir passe-partout, tantôt efficace et reprend dans les moments clés le thème grandiose et original proposé par Hans Zimmer dans Batman v Superman ("is she with you"). Enfin mention particulière à Gal Gadot qui crève l'écran en portant son personnage, et tout le film, l'air de rien. Idem pour le splendide générique de fin (et le réussi theme musical "Action Reaction") qui par son esthétique rappelle furieusement ceux de la franchise James Bond. Cela me fait penser que la réalistrice Patty Jenkins ferait bien le job avec l'espion britannique.
Le film est à tous les niveaux construit sur un jeu d'oppositions : action dans le passé ici contre le présent pour Batman v Superman. Île isolée et pacifique pour les Amazones contre immense Occident barbare en conflit version boucherie. Couleurs et ors du costume de Wonder Woman pour mieux ressortir dans la grisaille des tranchées, des villages belges ou de la capitale anglaise. Evidemment la femme forte et équipée d'armes de poing contre les hommes qui la combattent à distance avec leurs armes à projectiles. Un message de lâcheté implicite ? L'antagoniste je l'ai déjà dit est Un dieu. Il y a bien la chimiste sans scrupules mais vous remarquerez que sa féminité est en partie masquée... j'en oublie certainement mais peu importe car le film dans sa structure et les messages qu'il fait passer est une réussite pour le genre ultra encombré auquel il appartient. Inutile je suppose de préciser que je ne serai pas contre un second opus dans la même veine (bref de ne pas faire comme avec les suites de Captain America).