Man of Steel manquait d'une source épique, Dawn of Justice manquait de cohérence, Suicide Squad manquait de fond, que peut-il alors bien manquer pour Wonder Woman ?
À vrai dire, le film de Patty Jenkins n'était pas loin de devenir un incontournable de l'écurie DC, et par extension du genre super-heroique pourtant bon nombre de défauts - parfois insignifiants - font tâche dans l'oeuvre de la réalisatrice.


À commencer par le traitement de Diana Prince, si les vingt premières minutes - rare pour un film de super-héros - prennent le temps de présenter un personnage en constante quête de la connaissance en dépit du jugement d'autrui, le reste du long-métrage, dans son versant "humain" réduit son statut d'Amazone à celui de femme candide et émotionnelle. L'affection soudaine à la vue d'un nourrisson, l'extase au goût d'une substance étrange appelée une glace en passant par sa naïveté constante sur la guerre. Gal Gadot méritait mieux. Néanmoins, le personnage de Chris Pine n'est pas en reste, réelle utilité, moments de bravoures distincts, le love interest de Wonder Woman ne se limite pas à de la figuration, tout comme ses acolytes. Les personnages secondaires, côté allié ou ennemi, sont le point fort du film. Mention spéciale à Elena Anaya, très convaincante et ensorcelante dans le rôle d'une chimiste meurtrie (et perturbée) dont la beauté - malgré le masque et les défigurations - n'est plus à prouver depuis La Piel que Habito de Pedro Almodovar.


À l'image de Steve Trevor, au début du film, manquant de se noyer dans les tréfonds de l'océan ; - dont la "liberté" lui sera rendu dans les airs (joli parallèle de la part du scénario), le film s'engouffre dans une mise en scène trop rattachée aux trois premières œuvres de l'univers cinématographique DC. Sorte de "virus DC", à l'instar de ce gaz mis au point par Elena Anaya, le long-métrage est composé d'une photographie très (trop) sombre (bien que le contexte de guerre soit louable), avec un surdosage de ralentis dans le montage pour susciter au spectateur un sentiment épique lors des scènes d'action et un humour mal dosé. En outre, la composition musicale est facilement oubliable, si l'on excepte le thème principal de Wonder Woman, intéressant mais déjà présent dans Dawn of Justice, la partition reste pauvre et attendue tel le combat final contre Arès.


Ce "choc des titans" justement, permet de relever l'une des décisions les plus stupides du scénario : rendre Wonder Woman plus puissante que le Dieu de la guerre. Soit, pourquoi pas, mais que faire de la cohérence et de la suite des événements au sein de l'univers DC en cours ? Doomsday - ennemi ultime de l'Homme d'Acier - était-il plus puissant ? Steppenwolf, Darkseid et ses paradémons seront-ils nécessairement plus légitimes à vaincre l'Amazone, sans compter le soutien de la Justice League ? Peut-on réellement parler de guerres puisque la fin d'Arès est censée éradiquer l'intégralité des conflits ? À l'instar du Trident de Poséidon dans la semi-réussite Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar, les questionnements existentiels - autrement dit, le fond - sont balayés au profit du spectaculaire et du gloubi-boulga d'effets spéciaux. Bien que les combats aient le mérite de posséder une chorégraphie prenante et visuellement jouissive, mention d'honneur aux illustrations en mouvement - digne de tableaux - des récits d'Hippolyte, ils sont la plupart du temps gâchés par l'esthétique propre à l'identité DC. Il serait temps que chacun des super-héros aient leur propre patte.


Wonder Woman a le mérite de se concentrer uniquement sur le personnage principal, malgré la présence épistolaire de Bruce Wayne durant les premières minutes bien qu'un caméo de dernière minute aurait été le bienvenu. Jusqu'ici, Diana Prince est la personnalité la plus forte de la Justice League, en cela, la plus intéressante à suivre et tout simplement la plus convaincante du lot. Peut-être est-ce le réel atout de cette adaptation, transformer le traditionnel homme fort de la bande en la femme forte ?


Au-delà d'un message ou d'un militantisme féministe, ce serait avant tout une nouveauté et un brin de fraîcheur pour une ère super-heroique en perte de vitesse.

KINOEIL
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le 6 sept. 2017

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KINOEIL

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