Ces producteurs, quand même ! Ils n'en ratent pas une ! Alors que les zombies, à la base, c'était l'archétype du récit fantastique et délateur qui visait directement la consommation, l'effet de mode a voulu qu'ils deviennent précisément ce qu'ils tentaient de confronter. La magie de la consommation : si tu parviens à la dénoncer avec panache, tu risques aisément d'en devenir le sujet favori. Mais le zombie, quand même, il pose un problème bien ardu : ça reste des gens un peu poucrave qui vont manger d'autres gens encore plutôt frais. Mais qu'à cela ne tienne, les producteurs se sont donc réunis et ont décidé de lancer un challenge bien amusant, un petit casse-tête façon Hollywood : comment faire du grand-public avec une catégorie de films qui véhiculent sa bonne dose d'hémoglobine en mode gloriole ? Ils ont trouvé un réalisateur, une star à sex-appeal, une franchise pour y mettre un nom un peu connu et hop, c'est parti, ils ont lancé le film. Et la réponse qu'ils ont trouvé s'étale sur deux bonnes heures, mais je suis un mec sympa, je vais vous donner déjà la réponse. Pour faire un film de zombie grand public, suffit d'en faire une comédie qui s'ignore.

"Word War Z" se veut l'adaptation du livre du même nom, écrit par Max Brooks. Et rien que cela, déjà, cela mériterait un "lolilol d'or". "World War Z" le livre se voulait être la transposition du genre zombie en livre, un genre qui, à l'origine, était éminemment cinématographique. Un genre, qui, du coup, faisait reposer nombres de ses ficelles narratives sur le visuel - et par voie de conséquence, sur le gore. Résultats, Brooks avait eu la bonne idée de contourner le problème en concevant son récit comme une longue série de témoignages, réunis par thématique et tentant de décrire avec le plus de réalisme possible une apocalypse zombie. Idée ingénieuse : puisque le ressors à suspense, dans les films, repose sur la possible mort de ses protagonistes, ici, cela va reposer essentiellement sur la capacité à retranscrire une expérience personnelle où le personnage a survécu. On crée une proximité entre personnage et lecteur, et on lui raconte une invasion de zombies baignée d'idées réalistes et inédites, avec un contexte international. Idée plutôt gagnante - même si le livre peut paraître un poil long. Idée, surtout, qui perd son sens, puisque le livre adaptant les films se voit adapter en film. Wait... what ?
Le long-métrage n'en reprend que le personnage principal enquêteur pour l'ONU, mais le plonge en plein apocalypse zombie. Bon, l'idée n'est pas idiote, après tout, il s'agit de relater le même événement que le livre, mais en prenant en compte le medium. Jusque là, pas de problème. Seulement voilà, le matériel d'origine, assez vite, on commence à s'en tamponner le coquillard et on l'écarte pour une très étrange histoire d'enquête sur patient zéro. Mais n'allons pas trop vite en besogne. Brad Pitt incarne, dans ce film, Brad Pitt. Acteur, mais aussi enquêteur pour l'ONU, père de famille attentionné, qui aime faire des blagounettes à toute la famille, est très amoureux de sa femme, bien entendu, et porte aussi bien la barbe grisonnante que les cheveux mi-longs avec des mèches blondes, parce qu'il sait vieillir mais qu'au fond de lui, c'est un éternel adolescent. Eh ouais. Lui et sa joyeuse famille se retrouvent pris dans les premiers relents d'une invasion de zomboys et là, ça part en quenouille, quelques péripéties plus tard, le voilà à bord d'un navire, forcé d'aider l'armée à trouver d'où que c'est qu'il vient, ce méchant virus.
Dès lors, le film révèle son vrai côté parfaitement comique. Entre l'introduction où un camion se cache hors champs pour tuer un policier (ninjaaaa !) jusqu'au "dernier espoir de l'humanité" qui se tire une balle dans la tête en glissant, les situations s'enchaînent et sont toutes plus wtf que la précédente. Le fait est que le film garde pourtant un aplomb et un sérieux redoutable et ne se lasse pas un instant de prouver qu'il peut aller plus loin. Même lorsqu'il donne l'impression d'avoir une bonne idée, il se dépêche vite de la démolir dans l'instant. Parfois même, il introduit une bonne idée avec une mauvaise : Jérusalem est protégé par un mur géant ? Qu'à cela ne tienne, personne ne le surveille, au point que les zombies peuvent tranquillement faire de la grimpette le long des remparts. Idée géniale, j'avoue, mais qui introduit une impressionnante séquence d'invasion de zombies, comme une marée humaine et affamée. Un zombie parvient à s'introduire dans l'avion ? Super idée, lieu clos, survivants pris en otage à plusieurs milliers de pieds, avec comme dernier recours, l'usage d'une grenade, rien que ça. Mais rassurez-vous, Brad survit, il a juste un morceau de métal dans le bidou, mais ça va. D'ailleurs, même craché au milieu d'une lande qu'il ne connaît pas, il rejoint en un temps record le lieu où il devait initialement se rendre. Trop fort.
Film de zombies oblige, les maudits morts-vivant ne cessent de mordre outrageusement leurs victimes. Par contre, sois assuré, toi qui comptais voir le film un samedi après-midi pluvieux avec ta progéniture, ces morsures ne sont pas présentes à l'écran, que non l'ami. D'ailleurs, il n'y aura pas de généreuses projections de sang, d'exhibitionnistes viscères lascivement abandonnés, de corps humains savamment malmenés : non, le gore s'est arrêté devant la pancarte "enfants admis". Du coup, trancher une main ne produit qu'une toute petite aspersion de sang, très limite, qu'on arrête avec un petit mouchoir. Il n'y a même pas un effet de jump scare ! Pas un sursaut à l'horizon. De toute façon, comment sursauter ? Une fois qu'il est bien établi que, de toute façon, la mort n'aura jamais sa place au centre de l'écran, difficile d'avoir peur pour qui que se soit. De toute façon, une fois qu'un personnage donne son nom, il survit invariablement. C'est ça d'être un "named" dans un film grand public, on ne peut plus mourir.

Des effets spéciaux parfois plutôt inspirés, pour composer des vagues de zombie surprenante de vivacité. Et c'est tout. C'est rare que je dise ça, mais les CGI sont plus cool que le reste du film. Le reste du film, lui, est une vaste plaisanterie qui s'ignore et tire en longueur, raconté avec le sérieux d'un militaire et l'aplomb d'un politicien. Le tout sans que l'on sache réellement pourquoi cela continue d'aller de l'avant, puisque le personnage de Brad Pitt, non content d'être extrêmement inutile tout le long du film, semble n'avoir son éclair de génie qu'une fois qu'il s'est assuré d'avoir son pesant de sacrifices. Le tout pour se taper la séquence la plus horrifique du monde où il se sirote un pepsi pénard, pendant que des zombies assiègent ses petits copains. Attention, Brad, entre tes moustaches et tes choix capillaires douteux, tu vas finir par te faire nicolascagiser !
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de zombies, Mes pires de 2013 et Films vus ou revus en 2014

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